Le couple gémellaire décrit dans la précédente Note (1) pouvant
être présumé monozygote en dépit d'un dimorphisme sexuel évident,
l'épreuve des greffes réciproques a été pratiquée.
A. Un fragment de peau totale, prélevé sur le sujet haplo X, a été
greffé sur le sujet XY. Au lieu et place du prélèvement, le sujet haplo X a
revu un fragment de peau du sujet XY. Dans les deux cas, une fraction des
greffes a été prélevée au moment de l'intervention pour vérifier le
caryotype de chacune d'elles. Les caryotypes, haplo X et XY ont été
retrouvés, en accord avec les examens précédents réalisés sur biopsie de
fascia Lata d'après notre technique habituelle (2). Aucune suspicion de
mosaïcisme X/XY n'a été décelée chez le sujet haplo X ou le sujet XY tant
sur la biopsie de fascia Lata que sur la biopsie du greffon.
L'examen journalier, puis hebdomadaire des greffes réciproques permet
d'affirmer que 112 jours après transplantation les greffes ont parfaitement "
pris ", sans aucune réaction inflammatoire, et semblent définitivement
établies.
B. Au 78e jour une biopsie, à cheval sur la zone greffée (XY) et la
peau avoisinante de l'hôte (X) a été effectuée chez le sujet haplo X; la
moitié de la greffe environ a été intéressée par cette biopsie, l'autre
moitié étant laissée en place pour examen ultérieur éventuel.
Nombre de cellules dont le caryotype a été établi sans ambiguïté
au cours des cultures successives du fragment transplanté.
| Haplo X. | XY. | Total. |
1re série | 12 | 2 | 14 |
2e série | 15 | 6 | 21 |
3e série | 12 | 13 | 25 |
4e série | 5 | 6 | 11 |
| 44 | 27 | 71 |
e2 = 7, 48 pour ? = 3 P # 0, 05 |
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Discussion
Cette étude caryotypique permet d'affirmer que des cellules du jumeau
XY survivaient 77 jours après transplantation sur le jumeau X et conservaient
encore leur pouvoir de reproduction (in vitro du moins).
En raison de la localisation du prélèvement, le mélange X/XY ne
permet pas de préjuger de l'état réel du greffon qui peut, soit être resté
purement XY (fig. 1), soit avoir été partiellement réhabité par les
cellules haplo X (fig. 2) de l'hôte.
 Fig. 1 . - Cellule mâle
: 44 A, XY (Biopsie du greffon XY porté par le sujet haplo X).
 Fig. 2. - Cellule haplo X : 44
A, X (Biopsie du greffon XY porté par le sujet haplo X).
Par ailleurs, l'augmentation de fréquence des cellules XY en fonction
du vieillissement de la culture, bien qu'à la limite de la signification
statistique, laisse supposer que le caryotype équilibré XY pourrait avoir, in
vitro une valeur sélective supérieure à celle du caryotype haplo X. On ne
peut de ce fait inférer ce qui se passe in situ ; il est même possible alors
que les cellules XY en survie dans ce milieu haplo X soient défavorisées par
rapport aux cellules de l'hôte.
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Conclusion
Ces observations montrent que l'analyse chromosomique après avoir
permis d'étudier un cas de gémellité exceptionnelle a servi à déceler une
mosaïque artificielle humaine X/XY, conséquence de greffes réciproques ;
mais un plus long recul de temps reste nécessaire pour juger de la destinée
de cette mosaïque. De toutes façons, ces faits corroborent entièrement
l'examen macroscopique en ce qui concerne la " prise " des greffes
réciproques. L'analyse du greffon haplo X sur le sujet XY sera réalisée
ultérieurement pour servir de contre-épreuve.
L'ensemble de ces résultats, comparables à ceux obtenus par Ford (3)
dans l'étude des hétérogreffes chez la souris montrent que le chromosome Y
peut servir de " marqueur " chez l'homme. Cette technique utilisée dans un cas
de gémellité exceptionnelle pourrait être étendue à l'étude des greffes de
moelle et des transplantations d'organes entre sujets de caryotypes différents
.
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Bibliographie
(1) R. TURPIN, J. LEJEUNE, J. LAFOURCADE, P. L. CHIGOT et C. SALMON,
Comptes rendus, 252, 1961, p. 2945.
(2) J. LEJEUNE, R. TURPIN et M. GAUTIER, Revue Française d'Études
cliniques et biologiques, 5, 1960, p. 406-408.
(3) C. E. FORD, P. L. T. ILBERY et J. F. LOUTIT, J. of cellular and
comparative Physiology, 50, suppl. 1, 1957, p. 109-121.
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