Jusqu'à présent l'étude cytogénétique de l'hermaphrodisme suggère
deux remarques relatives l'une à la diversité des types anatomo-cliniques,
l'autre à la discordance entre ces types et les formules gonosomiques.
Diversité anatomo-clinique. - Cette diversité était attendue, car
elle s'accorde avec celle des descriptions classiques.
A. L'orientation du phénotype ambosexuel est en rapport avec les
caractères gonadiques.
Orientation féminine avec développement des seins, clitoromégalie,
orifice uréthral périnéal, vagin, utérus ; ovotestis d'un côté, ovaire de
l'autre.
Orientation masculine avec développement des seins, pénis de
dimensions normales mais hypospade, absence de vagin, rudiment de tissu utérin
ou petit utérus ; ovotestis scrotal d'un côté, testicule scrotal de l'autre
; annexes masculines.
B. Les types gonadiques sont pour la plupart ovotestis d'un côté et
ovaire de l'autre ; plus rarement testicule d'un côté, ovaire de l'autre ;
une fois ovotestis à droite et testicule du côté opposé.
L'ovaire quand il est accompagné d'ovotestis, se trouve, comme à l'habitude, à gauche. Il est pour ainsi dire toujours pelvien avec utérus
parfois unicorne et trompe. Il renferme en général des follicules, parfois un
corpus albicans témoin d'ovulation.
L'ovotestis, dont les caractères cytologiques sont rarement
précisés, était une fois à prédominance ovarienne avec tube de Fallope, une
autre fois à prédominance testiculaire avec annexes masculines.
Le testicule, inguinal ou scrotal, est plus ou moins pauvre en tubes,
pour la plupart atrophiés, en cellules de Sertoli et de Leydig ; il est plus
rare de trouver des éléments de la lignée germinale, un épididyme et un
déférent. Deux observations avec séminome rappellent la fréquence
relativement plus grande de cette complication chez les intersexués.
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Discordance entre phénotypes et formules
gonosomiques
Devant cette diversité anatomo-clinique, image de la diversité des
variétés d'hermaphrodisme, le cytogénéticien pourrait s'attendre à trouver
un rapport entre phénotype ambosexuel et caryotype. Il n'en est rien.
D'une part, une même variété anatomo-clinique s'accompagne de
caryotypes différents (ovotestis à droite, ovaire à gauche et caryotypes XX
[(1), (3)] ou XX/XY (13) ; testicule à droite, ovaire à gauche et caryotypes XX
(5) ou XX/XXX (3).
D'autre part, un même caryotype accompagne des variétés
anatomo-cliniques différentes (caryotype XX chez un sujet avec ovotestis à droite et testicule à gauche (10) ou chez un sujet avec ovotestis à droite et
ovaire à gauche (6).
Bien plus la constitution XO/XY qui a été trouvée dans des cas
indiscutables d'hermaphrodisme [(8), (9)] peut accompagner aussi une
dysgénésie gonado-somatique sans hermaphrodisme, avec rudiments ovariens
bilatéraux en position gonadique (11).
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Observation
Alors qu'il était âgé de 4 ans, l'enfant, chez lequel nous avons
décelé un type de mosaïcisme XX/XXY retenait l'attention par l'ambiguïté
de ses organes génitaux externes. Sa morphologie générale était de type
masculin sans retard de l'éveil intellectuel ; sa musculature bien
développée. Par contre, ses organes génitaux étaient caractéristiques d'un
hermaphrodisme dit " alterne ". " Le pénis de 33 mm sur sa face dorsale est
coudé par l'hypoplasie de sa face inférieure : gland sans méat, recouvert
sur sa face dorsale seule par le capuchon préputial et parcouru sur sa face
inférieure par une gouttière conduisant à un orifice situé à la base du
pénis. Cet orifice de 2,5 mm de diamètre est le méat urinaire.
L'urétrographie dessine un urèthre normal qui mène à la vessie : elle ne
décèle pas de dérivés mullériens. Cet hypospadias péno-scrotal
s'accompagne d'une asymétrie scrotale. "
L'examen histologique (Professeur J. Delarue) donna les résultats
suivants :
" A gauche, scrotum à plis transversaux et dans lequel on perçoit une
gonade du volume d'un gros haricot. Son examen histologique permet d'identifier
des tubes séminifères immatures qui correspondent à l'âge du sujet ; une
charpente conjonctive interstitielle un peu oedémateuse, richement
vascularisée avec quelques artérioles dont la paroi est anormalement hyaline
; par contre, en dépit de la multiplication des coupes il n'est pas possible
de déceler des cellules de Leydig. "
A droite, le scrotum évoque une grande lèvre. Il ne contient pas de
gonade et se fusionne en un raphé médian avec le scrotum gauche en arrière
du méat urinaire.
Une laparotomie permet de trouver au niveau de l'orifice inguinal
interne une masse du volume d'une noisette accolée à une trompe un pieu
atrésique. L'étude histologique montre que la petite masse est un ovaire dont
la corticale contient un nombre considérable de follicules primordiaux
immatures englobés dans un stroma normal. Il existe aussi des follicules
sous-corticaux en voie de croissance, contenant la liquor folliculi et parfais
même à l'un des pôles une éminence germinative peuplée de cellules de
granulosa. Au niveau du hile, vascularisation normale et quelques cellules de
berger typiques. La trompe a un aspect prépubertaire avec muqueuse frangée.
En multipliant les coupes on trouve dans le méso-salpinx quelques vestiges
canaliculaires embryonnaires normaux et à la suite de la trompe une formation,
qui évoque une ébauche de corne utérine.
L'exploration du petit bassin, en particulier au niveau de l'espace
intervésico-rectal ne décèle pas d'autres anomalies. "
Cet hermaphrodisme indiscutable est donc caractérisé à droite par un
ovaire et des annexes féminines évidentes, presque normalement constituées
cet même une croissance folliculaire anormalement précoce ; à gauche par un
testicule aleydigien dont les tubes séminifères correspondent à l'âge du
sujet. Le bilan hormonal urinaire ne s'écarte pas des limites normales.
Ce sujet de 4 ans est le dernier d'une série de quatre enfants ;
l'aîné a été opéré d'un pied bot congénital et d'une cryptorchidie
bilatérale ; le cadet d'un angiome du bras droit. Aucune autre particularité
familiale n'est digne d'attention.
Après vérification de la chromatine buccale (positive faible),
l'étude caryotypique est entreprise (fascia lata). Sur 98 cellules, 63
comportent 46 chromosomes et 35, 47 ; les premières ont une formule
gonosomique XX ; les secondes XXY.
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Conclusion
Cet hermaphrodite XX/XXY est un exemple démonstratif de concordance
entre l'ambosexualité gonosomique et, avec les possibilités d'expression d'un
organisme de 4 ans, l'ambosexualité anatomo-clinique. Il mérite d'être
retenu puisque le mosaïcisme XX /XXY n'a été décrit, à notre connaissance,
jusqu'à présent que chez deux sujets présumés atteints des syndrome de,
Klinefelter [(2), (4), (7)], et que la même formule, mais avec délétion du
grand bras de l'un des X des cellules XXY, a été trouvée chez un
pseudo-hermaphrodite masculin (12).
L'hermaphrodisme grâce à la cytogénétique bénéficie d'un regain
d'intérêt. Chercher la solution des problèmes qu'il pose, c'est travailler
en même temps à mieux connaître l'organogenèse de l'appareil génital
normal.
 Fig . 1. - Cellule 44A, XX.
 Fig. 2. - Cellule 44 A,
XXY.
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Bibliographie
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2, 1960, p. 129.
(2) A. C. CROOKE et M. D. HAYWARD, Lancet, n° 1, 1960, P. 1198.
(3) M. A. FERGUSON-SMITH, A, W. JOHNSTON et A. N. WEINBERG, Lancet,
n° 2, 1960, p. 126.
(4) C. E. FORD, P. E. POLANI, J. H. BRIGGS et P. M. F. BISHOP, Nature;
183, April 11, 1959, p. 1030.
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Lancet, n° 2, 1960, p. 736.
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December 12, 1959, p. 1287.
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(8) K. HIRSCHHORN, W. H. DECKER et H. L. COOPER, Lancet, n° 2, 1960,
p. 319 ; J. Med., 263, 1960, p. 1044.
(9) K. HIRSCHHORN, H. L. COOPER et O. J. MILLER, Lancet, n° 2, 1960,
p. 1449.
(10) D. A. HUNGERFORD, A. J. DONNELLY, P. C. NOWEL et S. BECK, Amer.
J. human. Gen., 113, September 1959, p. 215.
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J. KING, J. A. Mc BRIDE, T. N. MAC GREGOR et N. MACLEAN, Lancet, n° 1, 1961,
p. 1183.
(12) CH. P. MILES, L. LUZZATTI, S. D. STOREY et C. D. PETERSON,
Lancet, n° 2, 1962, p. 455.
(13) S. H. WAXMAN, V. C. KELLEY, S. M. GARTLER et B. BURT, Lancet, n°
1, 1962 p. 161.
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