Deux frères monozygotes atteints l'un et l'autre de mongolisme et de
S, de Klinefelter ont été observés pendant la première année de leur
vie.
Cette étonnante coïncidence d'événements peu fréquents suggère
une certaine solidarité des facteurs qui les déterminent.
La coïncidence chez un même individu de deux anomalies congénitales
est d'autant plus digne d'intérêt, du point de vue étiologique, qu'elle a
moins de chance d'être fortuite.
Quand cette coïncidence apparaît chez deux jumeaux identiques, son
intérêt s'accroît de L'intervention d'un évènement supplémentaire, le
monozygotisme.
Pour cette raison, une observation de frères jumeaux monozygotes
atteints tous deux de mongolisme et de S. de Klinefelter, mérite d'être
retenue.
Elle attire l'attention, pour la seconde fois, croyons-nous, sur une
éventualité déjà signalée en 1961 (9).
Haut
Exposé des faitsHaut
Histoire de la grossesse
Cette grossesse gémellaire a été précédée de trois grossesses
simples. Au moment de l'accouchement, le 3 février 1963, la mère née le 24
juin 1915 était âgée de 47 ans 7 mois ; le père né le 5 août 1907 de 57
ans 1/2. Ils n'étaient unis par aucun lien de consanguinité et rien dans leur
passé n'évoquait une cause quelconque d'embryopathie. Ils avaient eu
auparavant deux filles normales succédant une fausse-couche spontanée de 3
mois. La première fille était née quand sa mère avait 26 ans, la seconde
quand sa mère avait 31 ans.
La grossesse gémellaire que nous considérons avait évolué sans
histoire et s'était achevée à 7 mois 1/2. Il s'agissait d'une grossesse
monochoriale et diamniotique. A la naissance, le 3 février 1963, P... premier
né pesait 1700 g ; son frère A... 1950 g.. P... dut être réanimé pendant
45 minutes. La première respiration apparut au bout de 12 minutes. Les jours
suivants, le 6 février, fut décelée une hémorragie méningée.
Haut
Etude clinique
Examen à l'entrée.
Les jumeaux A. et P. nous furent adressé parce qu'ils étaient
l'un et l'autre atteints de mongolisme. Lors de l'hospitalisation, le avril
1963, leur âge légal était de 2 mois ; leur âge réel de 15 jours. A.
pesait 2800 g et mesurait 48 cm ; P. 2400 g et 46 cm.
Le diagnostic de mongolisme s'imposait retard grave déjà de
l'évolution neuro-psychique ; faciès typique ; débilité physique ;
hypotonie musculaire ; micro-brachycéphalie.
Les examens cliniques ne décelèrent aucun signe de malformation
viscérale notable.
L'appareil péno-testiculaire était normal si l'on excepte la
position haute, à l'orifice externe du canal inguinal, du testicule gauche de
P. Au moment de l'admission, un oedème pubien et péno-scrotal chez A. et P.
avec hydrocéle droit, chez ce dernier, régressa en quelques jours comme la
crise génitale physiologique.
Evolution.
L'hospitalisation de ces jumeaux fut accidentée de multiples
épisodes pathologiques séparés de rémissions incomplètes et de courte
durée.
A maintes reprises, épisodes infectieux broncho-pneumopathies,
diarrhée avec colibacilles pathogènes et déséquilibres
hydro-électrolytiques exigeant des perfusions veineuses ; otite à pyocyanique
chez A.
A la fin du mois d'avril, crises convulsives contemporaines
d'une hypocalcémie : 53 mg/l chez A., 58 chez P. Ces crises disparurent en
même temps que le traitement corrigeait l'hypocalcémie. Depuis, les
contrôles électroencéphalographiques apparurent voisins de la normale chez
A. et P. avec cependant des tracés de sommeil plus lents et plus amples qu'il
n'est habituel.
Le juillet, une orchiépididymite gauche, apparut brutalement
chez A. : fièvre à 40°: tuméfaction inflammatoire et douloureuse gonadique
avec funiculite ; leucocytose à 15.000/ mm3 avec 56 p. 100 de
polynucléaires neutrophiles. Le diagnostic de " torsion testiculaire "
écarté, un traitement antibiotique fut entrepris. L'inflamation régressa en
15 jours, laissant persister un noyau cicatriciel de la queue de l'épididyme
encore appréciable.
Le 17 septembre, une localisation épididymo-testiculaire
identique mais droite, apparut chez P. Elle évolua de la même manière avec
fièvre, leucocytose à 11.000/mm3 dont 57 p. 100 de polynucléaires
neutrophiles et s'acheva en 8 jours, laissant un même noyau épididymaire.
Les examens microbiologiques permirent d'écarter une infection
ourlienne peu probable mais non d'identifier l'agent infectieux causal. Le 10
novembre et le 15 décembre, une nouvelle infection urinaire survint chez A. Le
colibacille pouvait être incriminé.
2. Durant les périodes de rémission, divers contrôles
complémentaires furent effectués.
a) Les signes dermatoplyphiques (31) si difficiles à lire qu'à l'âge d'un an ils ne pouvaient être analysés complètement, comportaient
chez A un pli transverse bilatéral ; un triradius en t, probable ; une pelote
en 9 à gauche, en 7 et 9 à droite ; et une boucle cubitale au niveau de chacun
des quatre premiers doigts. Les autres caractères, boucle hypothénarienne
éventuelle, indice de transversalité, ne purent être déchiffrés.
Chez P., les caractères d'A. furent retrouvés avec, cependant,
un pli transverse à droite de forme, intermédiaire et la seule pelote en 9 à droite et à gauche.
b) L'éveil intellectuel fut apprécié par les critères de
Gesell : pour un âge légal de 2 mois, développement psycho-moteur d'A. de 18
jours ; de P. de 9 jours.
A l'âge légal de 8 mois, le niveau intellectuel de chacun de
ces enfants correspondait à peine à 3 mois. A 9 mois 1/2, A. avait un
développement de 3 mois ; P. de 3 mois 1/2.
c) Les signes cardiaques, radiologiques et
électrocardiographiques apparurent normaux.
d) L'exploration radiologique de l'un et l'autre jumeaux porta
encore sur les régions suivantes :
Le bassin, à l'âge de 11 mois : horizontalité du toit
cotyloïdien ; dimensions réduites du noyau épiphysaire fémoral
supérieur.
Voies urinaires : l'urographie décela chez A. une augmentation
du calibre des deux uretères avec soudures par allongement. La cystographie
rétrograde ne mit en valeur aucune anomalie (Dr J. BRUÉZIà RE). L'urographie
de P. ne fit apparaître qu'une dilatation modérée de l'uretère droit.
Examen clinique à un an
L'état de santé d'A. et de P. quoique encore précaire put être
estimé alors satisfaisant. Le poids d'A. est de 6750 g. Celui de P., 6.275 g.
Le périmètre crânien d'A. atteint 42,5 cm. ; celui de P. 40,5 cm. La taille
d'A. 67 cm.; P. 64 cm.
Haut
Etude gémellaire
Les résultats de l'étude des phénotypes érythrocytaires et
sériques (cf. tabl.) confirmèrent le diagnostic de monozygotisme, hautement
probable déjà d'après le type monochorial et diamniotique de la gémellité.
En effet, l'identité de ces jumeaux pour tous les facteurs étudiés
permettait d'estimer la probabilité d'une telle concordance dans l'hypothèse
de dizygotisme à p = 0,012 environ.
Haut
Etude caryotypique
L'analyse des caryotypes obtenus par culture de fascia lata (15)
donna les résultats suivants :
A : 13 cellules examinées : 48 chromosomes ; 5 caryotypes établis
: tous 44 A + 21 + XXY; (photographie 1).
P. : 21 cellules examinées : 48 chromosomes ; 8 caryotypes établis
: tous 44 A + 21 + XXY. (photographie 2).
Famille S
PÈRE | MÈRE | H. S. | A. S. et P.
S. | Probabilité de concordance phénotypique |
PHÉNOTYPES ÉRYTHROCYTAIRES |
O | O | O | O | 1,000 |
MNS | Mss | MS | MNss | 0,500 |
P1 | P1 | P1 | P2 | 0,625 |
ccDEe. CW- | CcDEe. CW- | ccDEe,
CW- | ccDEe, CW- | 0,250 |
K+, Kp(a-) | K-, Kp(a-) | K-,
Kp(a-) | K-, Kp(a-) | 0,500 |
Le (a-b+) | Le (a- b+) | Le (a- b+) | Le
(a+b-) | ..... |
Fy (a+) | Fy (a+) | Fy (a+) | Fy
(a+) | 0,770 |
Jk (a+) | Jk (a+) | Jk (a+) | Jk
(a+) | 0,810 |
PHÉNOTYPES SERIQUES |
Hp (2-2) | Hp (1-1) | Hp (2-1) | Hp
(2-1) | 1,000 |
| P = 0,024 |
Probabilité que les jumeaux soient du même
sexe | = 0, 500 |
Probabilité de concordance phénotypique (sexe
+ phénotypes érytrocytaires et sériques) | = 0, 012 |
L'établissement de ces phénotypes a été
réalisé par M. le Dr SALMON et M, le Dr BOUSKELA. (Centre de Transfusion
sanguine de Paris). |
Ainsi le contrôle chromosomique révéla l'existence d'un s. de
Klinefelter associé au mongolisme chez l'un et l'autre jumeau. Cette
dysgénésie gonado-somatique ne se traduisait chez ce nourrisson par aucun
signe anatomo-clinique apparents.
Haut
Indice de segmentation nucléaire (I.S.N.) corpuscule
chromatinien
Les valeurs de l'I.S.N. (29) de ces jumeaux ne sont guère probantes
en raison des aléas infectieux qui accidentèrent leur vie hospitalière. En
dépit de ceux-ci, l'I.S.N. de l'un et l'autre, mesuré ainsi bien en période
d'hypergranulose neutrophile que de leucocytose normale, oscilla de part et
d'autre de 280. Il convient de noter qu'un abaissement de l'I.S.N. pouvait
être attendu ici en raison du mongolisme, mais aussi du s. de Klinefelter qui
semble bleu agir dans le même sens sur la lobulation
nucléo-granulocytaire.
La recherche du corpuscule chromatinien justifiée par la
découverte de l'anomalie gonosomique donna des résultats concordants : sur
100 cellules de culture de fascia lata 25 à 30 chromatines positives chez A. et
chez P.
Haut
Etude génito-urinaire
La S. de Klinefelter reconnu, une biopsie testiculaire droite,
c'est-à -dire au niveau du testicule d'A. qui n'avait pas été touché par
l'orchiépididymite, fut effectuée chez cet enfant alors âgé de 8 mois.
Le compte rendu histologique ne mentionna aucune anomalie. " Le
fragment du testicule est bordé par une albuginée épaisse contenant quelques
vaisseaux normaux. Le parenchyme testiculaire est constitué de tubes de taille
régulière, disposés de façon normale. Ces tubes sont constitués de
cellules sans différenciation ; on ne voit pas de lumière centrale. La
membrane basale est fine sans aspect hyalin. Le conjonctif interstitiel est peu
abondant et ne contient pas de cellules de Leydig. On ne voit aucune formation
gonadique féminine. Conclusion : aspect d'un testicule impubère sans
caractères pathologiques particuliers (Dr L. BOCQUET) ".
 Jumeau A.- Trisomie 21 (mongolisme) et S. de Klinefelter (Caryotype
44AXXY+21).
 JUMEAU P :
Trisomie 21 (mongolisme) et S. de Klinefelter. (Caryotype 44AXXY+21).
Haut
InterprétationHaut
Diagnostic de monozygotisme
Le diagnostic de monozygotisme est hors de discussion. Il est fondé
sur des preuves anatomiques (gémellité monochoriale), érythrocytaires et
sériques. Il est fondé sur l'invraisemblance du dizygotisme. Ce diagnostic
supposerait en effet la répétition, au cours de la gamétogénése, d'une
double anomalie de la ségrégation chromosomique capable de réaliser entre
dizygotes cette concordance parfaite : mongolismeS. de Klinefelter.
Haut
Diagnostic du syndrome de Klinefelfer et
mongolisme
1) Alors que le diagnostic du mongolisme s'est imposé dés la
naissance, le s. de Klinefelter n'a été dépisté que par l'étude
caryotypique. Ceci n'est pas surprenant chez des nourrissons de moins d'un an.
Les signes parfois notés : pénis et scrotum peu développés, hypospadias
vulviforme, saillie et hyperpigmentation du raphé scrotal médian, testicules
petits ou ectopiques (25) sont loin d'être constants.
Il est possible qu'un souci thérapeutique des parents sélectionne
pour le pédiatre les enfants XXY atteints de ces anomalies. En effet, les
résultats d'enquêtes générales ne signalent pas leur plus grande fréquence
chez les XXY nouveau-nés que chez les XXY adultes (18).
2) Les caractères histologiques du testicule n'ont guère de valeur
diagnostique non plus en raison des imprécisions de l'histologie testiculaire
du nourrisson.
L'aspect du testicule du nourrisson XXY peut ne pas différer de
celui du testicule impubère. L'absence d'épithélium germinal n'est pas un
signe puisqu'elle peut se voir occasionnellement chez des sujets normaux du
même âge (12).
3) Les jumeaux A. et P. se distinguaient tous deux par un retard
grave de l'éveil intellectuel. Bien que celui-ci puisse être expliqué par le
mongolisme, il n'est pas impossible que l'anomalie gonosomique XXY responsable
parfois de déficits mentaux graves, ait participé à son aggravation.
Haut
Coïncidence théorique des trois
événements
Une liaison pathogénique entre les trois événements mongolisme,
S. de Klinefelter, monozygotisme est hautement vraisemblable. En effet la
probabilité d'une telle coïncidence dans l'hypothèse d'événements
indépendants serait très faible. Elle peut être estimée
approximativement.
La fréquence de la gémellité en France perdant la période
1920-1924 s'est élevée à 43.967 naissances doubles pour 4.027.527 naissances
(30), soit 100 pour 9.160. Ces 100 naissances doubles comportaient en théorie
26 gémellités monozygotes, soit une gémellité monozygote pour 352
naissances.
La fréquence du mongolisme est environ de 1 pour 600 naissances.
Celle du S. de Klinefelter est moins bien connue. La fréquence des
nouveau-nés masculins chromatine positive est estimée à 2,1 % (19). Mais ces
nouveau-nés comportent à la fois des XXY et des variétés caryotypiques du
même groupe, avec au sans mosaïcisme. En l'absence de précisions plus
grandes on peut se contenter d'une estimation de fréquence du S. de
Klinefelter de l'ordre de celle du mongolisme, soit 1 pour 600 environ.
Ainsi dans l'hypothèse d'événements indépendants la coïncidence
mongolienne, S. de Klinefelter, monozygotisme apparaîtrait une fois sur 120
millions à 130 millions de naissances. Or en l'espace de deux ans sur un total
de 2 millions environ de naissances en Hollande et en France, deux couples de
tels monozygotes ont été observés. Et cette estimation, une pour 1 million
environ, est peut-être inférieure à la réalité puisque le S. de Klinefelter
chez de tels nourrissons en l'absence d'examens cytogénétiques, risque fort
d'être méconnue.
Haut
Coïncidences individuelles au familiales de deux de ces
événements ou des trois.
1) La rencontre chez un même individu de S. de Klinefelter et de
mongolisme est encore, actuellement, l'exemple le moins rare d'une coïncidence
de deux aberrations numériques.
D'ailleurs, après la découverte de l'aberration chromosomique du
mongolisme (14), la première confirmation à l'étranger de la trisomie 21 il y
a lieu de le rappeler, fut donnée par un malade qui était en même temps un
S. de Klinefelter (3 - 6). D'autres observations analogues suivirent (11 - 13 -
4 - 5).
2) La coïncidence familiale de S, de Klinefelter et de mongolisme
a été signalée elle aussi.
Une observation très évocatrice est celle d'une femme à caryotype normal qui eut d'un premier mari normal XY un enfant avec S. de
Klinefelter XXY, puis d'un second mari normal un fils normal XY, puis d'un
troisième mari normal XY une fille mongolienne dotée en apparence de 46
chromosomes du fait d'une translocation 21 ~ 21 (1).
Bien qu'il s'agisse d'un S. de Klinefelter XXXXY né d'un père
atteint de leucémie lymphoïde (21), son association avec le mongolisme d'une
tante paternelle et du fils d'une autre tante paternelle normale, mérite
d'être citée ici.
3) Les rapports de la gémellité avec le mongolisme surtout, puis
avec le S. de Klinefelter ont été souvent considérés.
A l'époque où la trisomie 21 était ignorée, deux raisons
surtout justifiaient cette étude.
D'une part l'intérêt des jumeaux mongoliens, toujours
concordants en cas de monozygotisme. Cette concordance venait à l'appui de la
thèse de ceux qui défendaient la thèse germinale ou même chromosomique du
mongolisme (28).
D'autre part l'accroissement de fréquence de la gémellité
dizygote et même monozygote avec l'âge de la mère. L'âge maternel agit dans
le même sens sur la fréquence du mongolisme et de la gémellité. Au cours
d'une étude des familles affectées par le mongolisme (28) nous avions trouvé
sur 104 fratries comportant chacune un enfant mongolien et totalisant 309
enfants, 5 grossesses gémellaires. Quatre de celles-ci sans mongoliens, la
cinquième composée d'un mongolien et d'un enfant normal. Ces chiffres
correspondaient à un pourcentage de 1,6 % environ peu différent du pourcentage
moyen des grossesses gémellaires, 1,1 % environ. L'écart 0,50/0,7 = 0,7
n'était pas significatif.
Or la statistique française ne mentionne pas les avortements
gémellaires. L'un de nos cas était un avortement. Si, en conséquence, nous
ramenions nos observations à quatre le pourcentage obtenu se rapprochait encore
plus de celui de la population témoin.
4) La coïncidence gémellité et S. de Klinefelter a retenu
l'attention (7) qu'il s'agisse de gémellité intéressant la famille, les
germains ou l'XXY lui-même. Dans ce dernier cas, le frère jumeau de l'XXY est
normal ou XXY (8) lui aussi.
Avant les études caryotypiques, la gémellité était apparue
peut-être plus fréquente que la normale dans les familles de S, de
Klinefelter chromatine positive (2) et même que dans les familles de S. de
Klinefelter chromatine négative (27).
5) La coïncidence gémellité, S. de Klinefelter et mongolisme a
été observée dans plusieurs familles. Une enquête dirigée par la recherche
du corpuscule chromatinien parmi les garçons d'un asile a décelé sur 10 S.
de Klinefelter chromatine positive, deux apparentés à un mongolien (24). L'un
avait deux frères jumeaux dont un mongolien ; l'autre, survivant d'un couple
de jumeaux, était le frère utérin d'un mongolien que sa mère avait eu d'un
mariage antérieur.
Ces observations ne comportent pas d'analyses caryotypiques.
Depuis, deux observations (32) ont relaté cette coïncidence familiale. L'une
concerne 5 frères et soeurs dont un garçon avec S. de Klinefelter XXY, une
fille et un garçon normaux, deux frères jumeaux dont un mongolien.
L'autre concerne 4 frères, un mongolien, 2 jumeaux de sexe
masculin dont un mort-né, un gardon avec S. de Klinefelter chromatine positive
(5 cellules XY ; 5 cellules XXY).
6) Enfin l'expression la plus typique de cette coïncidence
apparaît dans notre observation et dans celle qui l'a précédée probabilité
de monozygotisme pour cette dernière d'après l'étude des groupes sanguins du
père, de la mère et des 2 jumeaux était de 99,5 %. L'étude caryotypique de
l'un des enfants sur 29 cellules révéla 5 cellules à 47 chromosomes et 22 à 48 ; l'étude de son frère sur 34 cellules 4 cellules à 47 chromosomes et 28 à 48. Les auteurs conclurent à une formule très probable triplo 21 et XXY
d'autant que la chromatine (peau) était positive.
Il n'en reste pas moins que les rapports de fréquence entre
gémellité d'une part mongolisme avec S. de Klinefelter d'autre part, exigent
des précisions complémentaires. Traits communs au mongolisme et au syndrome
de Klinefelter.
Ces considérations, amènent à rappeler certains traits communs à , ces deux aberrations chromosomiques.
1) Leur fréquence, voisine, d'après les résultats du
dépistage des nouveau-nés XXY par le critère chromatinien.
2) L'abaissement de l'I.S.N, peut être cité aussi (29-22), Il
est vrai que ce signe est retrouvé dans d'autres aberrations chromosomiques.
Ses rapports avec les leucoses aiguës ont été à juste titre évoqués à propos de la fréquence de ces leucoses chez les mongoliens. Or l'XXY loin de
donner autant d'exemples de leucoses aiguës que la trisomie 21 n'est pas à l'abri de cette affection (20) (1a).
3) Les translocations, surtout entre acrocentriques, ont été
souvent rapportées soit chez les trisomiques 21 soit chez les XXY, ou chez les
parents ou les collatéraux de ces malades. Il ne s'agit pas seulement de
translocations intéressant le 21.
Dans un cas (23) une translocation 22 ~ D existait chez la mère
et certains germains d'un mongolien trisomique 21 classique à 47 chromosomes.
Dans un de nos cas la translocation 22 ~ D paternelle avait été transmise ou
fils affecté en plus d'une formule XXY (l0). Un phénomène général
d'interaction chromosomique, une première anomalie d'une lignée cellulaire
accroissant la probabilité d'une seconde, trouve dans le mongolisme et le S.
de Klinefelter ses meilleurs exemples.
4) L'accroissement de l'âge maternel augmentant la fréquence
des gémellités dizygotes et même monozygotes et la fréquence du mongolisme,
on a recherché si cette influence ne s'étendrait pas au S. de Klinefelter. Or
il semble bien en être ainsi (16-26).
Il est donc possible que l'âge maternel soit en partie un
facteur déterminant commun. Mais ces problèmes sont plus complexes. La
gémellité par exemple est anormalement fréquente dans les familles d'XO,
d'XO/XX (17) et cependant l'influence sur l'apparition d'un syndrome de Turner
de l'accroissement de l'âge maternel, bien qu'elle ait été suggérée, n'a
pas été confirmée.
Haut
Mécanisme de la gémellité considérée.
Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l'apparition de monozygotes
à la fois XXY et trisomiques 21. En théorie une origine méiotique est
possible mais elle fait intervenir soit une non-disjonction double au cours de
l'ovogénèse ou de la spermatogénèse ; soit la rencontre d'un ovule et d'un
spermatozoïde modifiés l'un et l'autre par une non-disjonction simple. La
première hypothèse conduit à supposer qu'un gamète peut conserver sa
fécondité malgré un déséquilibre grave ; la seconde la rencontre fortuite
d'un ovule diplo 21 et d'un spermatozoïde XY par exemple.
L'origine mitotique nous paraît plus vraisemblable. Qu'il s'agisse
d'un zygote XY normal au triplo 21 ou XY les non-disjonctions nécessaires
seraient suivies de l'élimination de blastomères haplo 21 ou YO
défavorisés, des éliminations laisseraient survivre seul le blastomère
triple 21+XXY origine d'un individu simple au double.
Ces faits comportent une déduction pratique : le contrôle
chromatinien de tous frères jumeaux mongoliens, suivi d'un contrôle
caryotypique éventuel.
Haut
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