L'hypothèse selon laquelle les lésions chromosomiques ont une
relation précise avec les phénomènes néoplastiques n'est point nouvelle
puisqu'elle fut proposées par BOVERI dès 1914 et modifiée plus tard par
WINGE, 1930.
Le but de la présent discussion est d'analyser les résultats actuels
et de voir comment un modèle logique pourrait être confronté aux
observations.
On sait que certains individus porteurs d'une anomalie chromosomique
constitutionelle sont plus sensibles aux processus malins que les sujets
normaux. Par exemple, les enfants atteints de trisomie 21 sont atteints de
leucémie aigue vingt fois plus souvent que les sujets normaux.ne tendance
analogue semble exister dans les autres trisomies (13 et 18).
l'étude du caryotype des tumeurs solides a dès longtemps montré la
fréquence de l'aneuploïdie, surtout hyperploïdie, mais une difficulté
majeure réside dans le fait que les méthodes de culture actuelles sont
beaucoup plus favorables aux cultures normales qu'aux cultures
aneuploïdes.
Des données disponibles la notion de lignées-souches exprime le fait
que chaque tumeur présente un caryotype particulier autour duquel les
différentes cellules de cette tumeur présentent une plus ou moins grande
variation.
Les tentatives de classification des anomalies chromosomiques en
fonction du type de cancer sont encore très peu nombreuses.
l'analyse caryotypique des proliférations malignes du système
médullo-sanguin est de loin la plus avancée.
C'est ainsi que depuis la découverte de NOWELL et HuNGERFORD (1960)
on sait que la leucémie myéloïde chronique s'accompagne de la perte d'une
partie du bras long de l'un des chromosomes du groupe G, peut-être le 21. La
constance de cette lésion chromosomique est remarquable dans cette
affection.
Lors des transformations blastiques de la leucémie myéloïde
chronique et au cours des leucémies myéloïdes aigues, d'autres changements
chromosomiques sont connus, portant essentiellement sur les chromosomes du
groupe C et du groupe E.
Dans certains cas excpetionnels, il est possible (LEJEuNE et coll.)
d'observer une apparente filiation d'un caryotype à l'autre. On peut alors
supposer que les différentes constitutions chromosomiques des cellules d'une
même tumeur sont les témoins d'une "évolution caryotypique" progressive,
allant du caryotype normal au caryotype pathologique.
Ces quelques considérations permettent d'imaginer un modèle qui
devrait être infirmé ou confirmé par l'observation avant qu'il soit possible
de répondre à la question fondamentale : les anomalies chromosomiques sont
elles la cause ou la conséquence du cancer ?
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L'évolution clonale du caryotype
Si l'on suppose que les changements chromosomiques ont un effet sur le
comportement des cellules, il est logique d'imaginer qu'une lésion
chromosomique donnée devrait déterminer un changement cellulaire
caractéristique.
Autrement dit, l'on devrait observer dans les cancers d'un type donné
une lésion chromosomique particulière que l'on pourrait appeler le "variant
commun". L'exemple précédant de la délétion d'un chromosome du groupe G
dans la leucémie myéloïde chronique est une illustration de cette
hypothèse. Deux autres cas de "variants communs" cissibles ont été signalés
: dans le cancer de l'ovaire (LEJEuNE et BERGER) et dans le kératone du
testicule (HAINES).
La généralité de ces observations reste à démontrer et l'on ne
peut les considérer actuellement quecomme des indications.
La seconde du modèle proposé serait une évolution progressive (ou
parfois dégressive) au cours de laquelle les anomalies chromosomiques
s'accumuleraient dans un même lignée cellulaire pour parvenir à la meilleure
combinaison. Il est peu probable qu'une redistribution au hasard des facteurs
génétiques portés par les chromosomes soit compatible avec la survie
cellulaire et une sélection de certaines combinaisons s'effectue
probablement.
un mécanisme élémentaire de cette sélection pourrait être
l'existence de "combinaisons interdites". Certaines réactions biochimiques
(étapes successives d'un métabolisme intermédiaire par exemple) doivent
être équilibrées dynamiquement. L'excès ou le défaut d'une enzyme,
déterminé par l'excès ou le défaut d'un facteur génétique, perturberait
cet équilibre et entraînerait éventuellement la mort de la cellule.
Une analyse statistique de très nombreux caryotypes permettrait de
détecter ces combinaisons interdites à supposer qu'elles existent.
Une constatation positive aurait un corrolaire heuristique important,
celui de déceler les métabolismes "sensibles", de la lignée, si nous
disposions de "marqueurs" biochimiques sur les chromosomes intéressés.
En résumé, si l'hypothèse chromosomique représente une part de la
réalité, trois points fondamentaux devraient être d'abord établis :
l'existence de "variants communs", d'une évolution clonale progressive, et
enfin d'une sélection par combinaison interdites.
Au-delà de la simple accumulation de données morphologiques, la
cytogénétique pourrait alors devenir un instrument de recherche dont
l'efficacité pourra être évalué au cours des années à venir.
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