Afin d'estimer le risque de malségrégation des translocations t(21q
Dq), nous avons rassemblé les données de la littérature ainsi que les
observations de l'Institut de Progénèse, dont une partie est rapportée dans
un précédent travail (2).
Sur 475 trisomiques 21 étudiés à l'Institut de Progenèse, nous
avons trouvé 17 cas de translocation t(21q Dq) dont 10 familiaux.
Dans cet échantillon, la fréquence des translocations t(21q Dq),
dont 59 % sont familiales, s'élève donc à 0,036.
Nullement représentative, cette fréquence relativement grande est le
résultat d'une sélection effectuée en fonction de l'âge maternel et de
l'accumulation des cas familiaux.
Les 10 cas de trisomie 21 par translocation familiale se répartissent
en 7 familles, toutes recensées à partir d'un trisomique.
Deux familles furent recensées différemment : .
- l'une à partir d'une enfant atteinte d'une hypertrophie
clitoridienne,
- l'autre à la suite du décès d'un enfant polymalformé, dont le
phénotype évoquait fortement celui d'une trisomie 13. Malheureusement le
caryotype de cet enfant ne put âtre examiné.
Les arbres généalogiques de ces 9 familles sont représentés dans
les figures 1 à 9. Quatre d'entre elles sont encore incomplètes.
A ces données personnelles et aux familles décrites par Tamparillas
(1967) et Hamerton (1968), nous avons ajouté, dans les tableaux I et II,
l'ensemble des familles citées dans la littérature [pour références, voir
opus cité (2)].
Une première analyse permet de présenter, dans le tableau I,
l'ensemble des enfants nés d'une mère porteuse de la translocation t(21q Dq)
et dans le tableau Il, la descendance des pères porteurs de même type de
translocation.
 Fig. 1. - Arbre généalogique I - I.P. N°
1070. Raison de l'examen : oncle maternel trisomique 21. Mère (II4) âgée de
26 ans à la naissance du proposant (III2). Mère (I2) âgée de 34 ans à la
naissance du trisomique 21 (II10).
 Fig. 2. - Arbre généalogique II - I.P. N ° 1160. Raison de
l'examen : mère (III2) âgée de 23 ans à la naissance du proposant (IV3).
Mère (II2) âgée de 35 ans à la naissance du trisomique 21 (III5).
 Fig. 3. - Arbre généalogique
III - I.P. n° 1419. Raison de l'examen : mère (III2) âgée de 23 ans à la
naissance du proposent (IV1) - cousine (IV3) trisomique 21. Mère (III8) âgée
de 26 ans à la naissance du trisomique 21 (IV3).
 Fig. 4. - Arbre généalogique IV -
I.P. No 1673. Raison de l'examen : mère (II5) âgée de 23 ans à la naissance
du proposant (III1).
 Fig.
5. - Arbre généalogique V - I.P. N° 4433. Raison de l'examen : suspicion de
trisomie 13 chez l'enfant (II3).
 Fig. 6. - Arbre généalogique VI - I.P. N° 4567. Raison de
l'examen : mère (I2) âgée de 22 ans à la naissance du proposant (II1).
 Légende commune aux figures 1
à 9
 Fig. 7. - Arbre
généalogique VII - I.P. N° 4979. Raison de l'examen : suspicion de
mosaïque. Mère (I2) âgée de 36 ans à la naissance du proposant (II1).
 Fig. 8. - Arbre généalogique
VIII - I.P. NI, 4991. Raison de l'examen : anomalie phénotypique du sujet
III1.
 Fig. 9. - Arbre
généalogique IX - I.P. N° 5320. Raison de l'examen : fausse-couche et
trisomie 21 dans la même fratrie. Mère (I4) âgée de 28 ans à la naissance
du proposant III3.
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I - Fréquence des trisomiques 21 dans la descendance des
femmes porteuses de la translocation équilibrée t(21q Dq)
Parmi les descendants dont le caryotype fut étudié, nous n'observons
que les trois catégories attendues : normaux, porteurs de la translocation
équilibrée, et trisomiques 21. Aucun cas de monosomie 21 ou de trisomie 13
n'a été recensé.
Pour l'ensemble de l'échantillon, la fréquence des trisomiques 21
est très proche de 1/3. Nous savons cependant que cette fréquence apparente
est trop élevée en raison de nombreux biais sélectifs. En effet :
a) toute famille recensée comporte, par nécessité, au moins un
sujet anormal trisomique 21 dans la très grande majorité des cas (recensement
par le proposant).
b) les familles sont d'autant plus volontiers étudiées qu'elles
contiennent plus de tarés (recensement incomplet à sélection multiple).
c) les examens sont faits plus fréquemment lorsque la mère est jeune
(recensement incomplet).
d) les parents peuvent limiter volontairement leur descendance après
la naissance d'un trisomique 21 (fratries écourtées).
Pour tenter de pallier tous ces biais, nous avons utilisé plusieurs
estimations dont les résultats sont les suivants :
Pour obvier au recensement par le proposant (biais a), on peut
appliquer la loi binomiale tronquée, (formule de Haldane 1932 et solution de
Lejeune 1958).
La fréquence estimée des trisomiques 21 est p = 0,331 ± 0,053
Cette correction différant fort peu des données brutes, on en est
amené à conclure que ce biais particulier ne joue, qu'un rôle partiel, les
biais (b) et (c) étant peut-être prépondérants.
2. Pour obvier au biais de type (b), an peut utiliser l'équation de
la sélection multiple, à recensement incomplet, selon la formule :
dans laquelle :
R = nombre de trisomiques 21 ;
N = nombre de fratries ;
T = nombre total d'enfants.
On obtient alors la valeur : p = 0,23 ± 0,035
3. Exclusion des fratries des proposants. Pour obvier simultanément
aux biais sélectifs (a) et (e) et, partiellement, à (b), il est possible de
limiter l'échantillon aux fratries collatérales, issues d'une tante, d'une
grand-tante, d'une cousine ou d'une grand-mère d'un proposant.
La fréquence des trisomiques 21 est alors : p= 23/155 soit 0,15 ±
0,027.
4. Si nous limitons l'échantillon aux seules fratries issues d'une
grand-mère de proposant, nous obtenons p = 8/87 soit 0,09 ± 0,029.
Ce sous échantillon est très fortement biaisé. D'une part ces
fratries contiennent par nécessité au moins un porteur sain (père ou mère
du proposant). D'autre part, plus le nombre des porteurs de la translocation
sera élevé dans une telle fratrie, plus y il aura de chances de voir
apparaître un trisomique 21 dans la génération suivante, et donc, plus il y
aura de chances de recenser la dite fratrie.
Au total ces deux biais augmentent artificiellement la fréquence des
porteurs de translocation et miminisent celle des sujets normaux et celle des
trisomiques 21.
On peut conclure de ces faits que l'estimée précédente (3) par
exclusion des fratries des proposants, est elle aussi partiellement sous
évaluée, puisque les fratries des parents des proposants y sont inclues.
5. On peut alors limiter les données aux seules fratries issues de
grand tantes, de tantes ou de cousines de proposants.
La fréquence des trisomiques 21 est alors de p = 14/80 soit 0,175 ±
0,022.
Bien que réduit cet échantillon est très certainement celui qui est
le moins affecté par les différents biais possibles.
Deux autres estimations peuvent encore être faites, corrigeant
partiellement certains biais, mais leur pertinence à chacun d'entre eux est
plus difficile à analyser.
On peut, par exemple, limiter l'échantillon aux fratries comportant
au moins 4 enfants, on a alors p =13/85 = 0,15 ± 0,039.
On peut également limiter l'analyse aux seules familles dont au moins
dix membres ont été examinés, dans ce cas, p = 22/107 soit 0,21 ±
0,039.
Tableau I. - Descendance des femmes 45,XX,t (Dq 21q).
Nombre de mères transmettrices | 46chr. N | 45
chr. T | Phénotype N | 46 chr. tri. 21 T | Phénotype tri.
21 | Mort néo-natale sans diagnostic | F.C. | Total des
descendants viables |
109 | 71 | 108 | 37 | 78 | 26 | 13 | 61 | 320 |
Total : 216 | Total :
104 | | |
Haut
Conclusion
A l'exception des fratries des ascendantes directes des proposants
tous ces résultats obtenus sont relativement bien groupés et se situent dans
l'intervalle de confiance obtenu par l'équation de la sélection multiple. La
moyenne générale est très proche de 0,18.
Il parait donc légitime d'estimer que, pour une femme porteuse
d'une translocation t(21q Dq), le risque d'avoir un enfant trisomique 21 se
situe entre 1/5 et 1/6.
Devant l'incertitude du recensement des avortements spontanés, nous
n'avons pas cherché à déterminer si la fréquence des fausses-couches est
augmentée par rapport à la population générale.
Haut
II - Fréquence des trisomiques 21 dans la descendance des
hommes porteurs d'une translocation t(21q Dq) équilibrée
Ainsi que le montre le tableau II, la fréquence des trisomiques 21
est beaucoup plus faible dans la descendance des hommes porteurs de la
translocation.
Il est possible d'appliquer à cet échantillon les méthodes d'analyse
(2) (3) (4) et (5) précédemment appliquées à la descendance des mères
porteuses de la translocation.
Ces diverses corrections sont cependant assez illusoires en raison du
nombre très réduit des trisomiques 21. De toute façon, les différentes
estimées sont toutes très proches de p = 0,03 ± 0,02.
Le risque de naissance d'un trisomique 21 dans la descendance d'un
homme porteur d'une translocation 21q Dq peut être donc estimée entre 1/20 et
1/100.
Tableau II. - Descendance des hommes 45,XY,t(Dq 21q).
Nombre de pères transmetteurs | 46 chr. N | 45
chr. T | Phénotype N | Phénotype tri. 21 | 46 chr. tris. 21
T | Mort néo-natale sans diagnostic | F.C. | Total des
descendants viables |
43 | 40 | 66 | 9 | 9 | 2 | 8 | 2 | 126 |
Total : 115 | Total :
11 | | |
Haut
III - Transmission de la translocation
équilibrée
Comme le montre le tableau III, sur l'ensemble des individus de
phénotype normal recensés, le nombre de porteurs de la translocation
équilibrée est très significativement plus élevé que le nombre d'individus
normaux.
Ces données ne peuvent cependant pas être utilisées sans correction
car les porteurs de la translocation balancée sont nécessairement en excès
dans les fratries des ascendants directs des proposants, ainsi que le montre la
méthode précédente No 4.
Nous avons donc exclu ces fratries pour comparer les différentes
catégories de descendants. Dans ces conditions, les porteurs de la
translocation ne sont pas significativement plus nombreux que les individus
normaux. D'ailleurs, ce sous échantillon diffère significativement du sous
échantillon des fratries des ascendants directs des proposants
(?2 = 11,8, v = l). On peut donc conclure, qu'après
élimination du biais introduit par le recensement dans les fratries des
ascendants, ces données sont compatibles avec une ségrégation normale 1:1
entre : caryotype haploïde normal et caryotype porteur de la
translocation.
Tableau III. - Ségrégation de la translocation 21q Dq chez
les descendants de phénotype normal.
Descendants | 4,XX ou XY t(21q Dq) | 46,XX ou
46,XY | ?2 (v= 1) |
Nés de pères 45,XY, t(21q Dq) fratries des ascendants
directs exclues | 39 | 30 | 1,16 |
Nés de mères 45,XX, t(21q Dq) fratries des ascendantes
directes exclues | 58 | 53 | 0,22 |
Total | 97 | 83 | 1,08 |
Fratries des ascendants directs des
proposants | 107 | 41 | 29,42 |
Total | 204 | 124 | 19,51 |
Haut
IV - Fréquence des porteurs de la translocation t(21q Dq)
équilibrée dans la population générale
D'après les données de Polani et coll (1965) la fréquence des
trisomiques 21 par translocation serait voisine de 54 x 10-6
De ces translocations, 44 % seraient des t(21q Dq) et 49 % de
celles-ci seraient familiales.
Dans la population générale, la fréquence des trisomiques 21 par
translocation t(21q Dq) familiale, peut donc être estimée à 0,44 x 0,49 x 54
x 10-6 soit P1 = 12 x 10-6
Si l'on tient compte des résultats précédemment établis on peut
dire que la fréquence des trisomiques 21 issus d'un parent porteur d'une
translocation t(21q Dq) doit être de l'ordre de : P2 = (0,18 +
0,03) x 1/2 soit : 0,10.
Or, si nous appelons P3 la fréquence dans la population
générale des sujets sains porteurs d'une translocation t(21q Dq)
équilibrée, la fréquence P1 des trisomiques 21 par translocation
familiale sera nécessairement : P1 = P2 x
P3
D'où l'on peut tirer, puisque l'on vient d'estimer P1 et
P2, que : P3 = P1/P2 = (12 x
10-6)/(0,10) soit P3 = 1,2 x 10-4.
Si l'on tient compte de la variance importante dont sont affectés les
différents paramètres que nous venons d'utiliser pour ces calculs la
fréquence des translocations t(21q Dq) n'est pas négligeable.
La comparaison avec la fréquence des translocations t(Dq Dq), que
Court Brown (1967) et Sergovich (1968) évaluent à 10-3 ou 0,5 x
10-3, révèle cependant une différence de près d'un ordre de
magnitude. Ceci est remarquable si l'on tient compte du fait que les
translocations t(21q Dq) sont recensées spécifiquement en raison des
trisomies 21 qu'elles peuvent entraîner.
Haut
Conclusions
L'analyse systématique de 69 familles dans lesquelles la
ségrégation d'une translocation t(21q Dq) peut être observée a permis de
mettre en évidence les rapports suivants :
1) Le risque d'apparition d'une trisomie 21 dans la descendance d'une
femme porteuse de la translocation est de 1/5 à 1/6
2) Dans la descendance d'un homme porteur de la translocation ce
risque n'est que de 1/20 à 1/100
3) Dans la descendance d'un sujet porteur de la translocation le
nombre des enfants ayant un caryotype normal est égal à celui des enfants
porteurs de la translocation.
Le tableau IV résume la répartition attendue des trois caryotypes
possibles dans la descendance d'un sujet porteur d'une translocation t(21q
Dq).
Tableau IV. - Descendance attendue des porteurs d'une
translocation t(21q Dq).
Descendance des femmes 45,XX,D-,2l-,t(21q
Dq)+ | Descendance des hommes 45,XY,D-,21-,t(21q Dq)+ |
Tri. 21 | Normaux | Porteurs de la transl.
balancée | Tri. 21 | Normaux | Porteurs de la transl.
balancée |
0,18 | 0,41 | 0,41 | 0,03 | 0,485 | 0,485 |
Haut
Bibliographie
1. COURT BROWN W.M., 1967. - Human population cytogenetics. North
Holland Publishing Company, Amsterdam.
2. DUTRILLAUX 13., 1968. - Etude des translocations du chromosome 21.
Thèse de Médecine, Paris.
3. HAMERTON J.L., 1968. - Robertsonian translocations in man ;
evidence for prezygotic selection Cytogenetics, 2 -27 .
4. LEJEUNE J., 1958. - Sur une solution " a priori " de la méthode "
a posteriori " de Haldane. Biometrics, 14, 513-520.
5. SERGOVICH F.R.,1968. - Chromosome studies in unselected neonates.
Abstr. conf. Amer. Soc. Hum. Genet., oct.1968.
6. TAIMPARILLAS M., RAICHS A., 1967. - Un Casa de translocation
familiar D /G su comprobacion en dos generaciones. Sangre (Barcelona), 12/2,
208-218.
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