Nous avons rapporté en 1966 (Lejeune et coll.) un cas
d'hermaphrodisme XX/XY. La naissance ultérieure d'un " garçon " avec des
organes génitaux ambigus et d'un caryotype XX nous a incités à réétudier
cette famille.
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Observation de la famille I.P, n° 1365
Les parents, non consanguins, sont actuellement bien portants. On ne
possède aucun renseignement sur la famine du père (I, 1) né en 1932 qui n'a
jamais eu de maladie grave. La mère, (I, 2) née en 1934 appartient à une
fratrie de quatre enfants tous en bonne santé. Aucune anomalie sexuelle n'est
connue dans la famille. On note un traitement hormonal pour goitre
parenchymateux avant sa troisième grossesse. Le couple a eu quatre enfants
(Fig. 1).
Le premier (II, 1) né en 1956 est un garçon porteur d'une ectopie
testiculaire gauche qui a été traitée médicalement (gonadotrophine). A la
suite de ce traitement, le testicule est en position normale mais il apparaît
nettement plus petit que le droit. Par ailleurs à l'âge de 13 ans cet enfant
d'apparence normal présente les signes d'une puberté débutante.
Le deuxième garçon (II,2) né en 1962 est tout à fait normal.
Le troisième enfant (II,3) né en 1964 est l'hermaphrodite vrai,
porteur d'un ovotestis bilatéral qui a fait l'objet d'une précédente
publication (fig. 2).
Le quatrième enfant (II,4) né en 1967 à la suite d'une grossesse et
d'un accouchement normaux a été examiné pour ambiguïté sexuelle à type
d'hypospadias vulviforme (fig. 3), Il existe des bourses avec une gonade de
chaque côté, un bourgeon génital assez petit, inséré bas avec hypospadias
et méat fonctionnel, un prépuce incomplet en capuchon.
L'urographie intraveineuse ne montre pas d'anomalie et
l'urétrographie révèle l'existence d'un urètre masculin. Il n'y a pas de
vagin opacifié.
Les examens hormonaux sont normaux pour l'âge. Aucune autre anomalie
n'est décelée. Le développement intellectuel et somatique est normal.
L'enfant considéré comme un garçon, est opéré à l'âge de un an
(Mme le docteur Feketé) : aucun reliquat: müllerien n'est visible, deux
déférents à trajet normal se terminent dans deux vésicules séminales
normales, la droite plus grosse que la gauche. Les testicules sont d'aspect
normal pour l'âge, quoique l'épididyme soit longuement déroulé comme dans
certaines ectopies. Un prélèvement de deux gonades est fait pour l'examen
chromosomique et l'étude histologique (Pr Nezelof). Cette dernière est
gênée par un défaut de fixation particulièrement flagrant pour la biopsie
droite " Malgré cet artefact on peut reconnaître la structure grossière d'un
parenchyme testiculaire constitué de tubes égaux entre eux, repliés sur
eux-mêmes et séparés par un tissu conjonctif lâche dans lequel on ne trouve
que des vaisseaux. La vitrée des tubes est normale. Ces tubes sont constitués
exclusivement de cellules sertoliennes. Aucune cellule gonique n'a été
identifiée même après la mise en oeuvre de colorations spéciales. De même
il n'existe pas de cellules leydigiennes. Conclusion : biopsie gonadique
bilatérale montrant un testicule immature dépourvu de spermatogonies mais
d'autre part normal " (Pr Nezelof).
Examens cytogénétiques. Les examens des chromosomes ont été faits
sur sang et également sur tissus pour II,3 et II,4.
I,1 : chromatine sexuelle de type masculin normal, caryotype masculin
normal 46, XY (sang).
I,2 : Chromatine sexuelle (muqueuse jugale) de type féminin normal.
Caryotype féminin 46, XX sans anomalie décelée (sang).
II,1 et II,2 : Chromatine sexuelle (muqueuse jugales) de type masculin
normal. Caryotype masculin 46, XY sans anomalie décelée (sang).
II,3 : Chromatine sexuelle (muqueuse jugales) de type féminin. Examen
des chromosomes :
Tissus | 46, XX | 46, XY |
Sang | 57 | 0 |
peau et aponévroses | 62 | 0 |
Gonade droite | 2 | 0 |
Gonade gauche | 13 | 2 |
TOTAL | 134 | 2 |
II,4 : Chromatine sexuelle (muqueuse jugale) de type féminin (13 p.
100 des cellules examinées ont un corpuscule chromatinien, ce résultat étant
dans les limites de la normale pour notre laboratoire).
Examen des chromosomes :
Tissus | 46, XX | Incomplètes |
sang (1re culture) | 57 | 3 |
Sang (2e culture) | 59 | 2 |
Vaginale gauche | 24 | 1 |
Gonade droite | 61 | 3 |
Gonade gauche | 63 | 1 |
TOTAL | 264 | 10 |
Aucune cellule porteuse d'un chromosome Y n'a été décelée. Le
chromosome manquant des cellules incomplètes est variable et ces cellules ne
peuvent être tenues pour des 45,X. Aucune évidence de translocation pouvant
intéresser le chromosome Y n'a été constatée.
 Fig. 1. -
Arbre généalogique de la famille I.P. N° 1365.
 Fig. 2. - Aspect des organes
génitaux de II,3.
 Fig. 3.
- Aspect des organes génitaux de II,4.
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Discussion
La coexistence dans cette famille d'un hermaphrodisme vrai XX/XY et
d'un pseudo hermaphrodisme masculin XX, suggère l'existence d'un déterminisme
commun à ces deux affections, compte tenu de leur rareté.
Il est dès lors logique de se demander si ces deux observations ne
peuvent être accordées l'une à l'autre dans un même cadre nosologique :
a) Ou bien le sujet II,4 est en fait XX/XY et, par malchance aucune
cellule XY n'a été observée dans les fragments examinés, et par malchance
aussi les éventuels reliquats ovariens n'ont pas été décelés.
Les enfants II,3 et II,4 seraient dans cette hypothèse des chimères
vraies XX/XY. Cependant la recherche d'une double population sanguine chez II,3
est restée négative (Pr Salmon).
b) Ou bien les deux enfants sont XX et les deux cellules observées
dans la gonade gauche de II,3 on été à tort interprétées XY. Cependant un
réexamen de cellules permet de confirmer qu'aucune anomalie associée n'est
relevée dans ces deux caryotypes qui paraissent XY, bona fide, et que
l'élément réputé être un Y est morphologiquement compatible avec le
chromosome Y du père (I,1).
En définitive il n'est pas en notre pouvoir de trancher entre ces
deux possibilités, bien qu'un choix soit nécessaire si l'on veut envisager un
mécanisme commun.
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Hypothèse d'un " facteur masculinisant "
De nombreuses publications font état d'hermaphrodismes vrais, avec
caryotype XX, sans lignée XY décelable. De plus une famille exceptionnelle
(Rosenberg et coll. 1963) rassemble trois " frères ", tous trois
hermaphrodites vrais, à caryotype XX homogène.
Enfin les observations d'" hommes XX " s'accumulent progressivement
dans la littérature.
On en vient à se demander s'il ne pourrait exister dans notre
espèce un ou plusieurs gènes dont l'action pourrait dévier le développement
gonadique des sujets XX, réalisant des phénotypes allant de l'"
hermaphrodisme vrai XX " au " pseudo-hermaphrodisme masculin XX " et jusqu'au
phénotype paradoxal " mâle XX ".
Les données classiques concernant le gène tra de la drosophile
donnent à cette hypothèse un argument de possibilité.
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Hypothèse d'un " facteur chimérique "
Si les deux enfants sont tous deux XX/XY on pourrait envisager
l'existence d'un facteur favorisant une double fécondation. A titre de pur
exemple, parmi bien d'autres possibilités, on pourrait évoquer un clivage
anormal lors de l'expulsion du premier globule polaire, ce dernier possédant
un cytoplasme très abondant, autorisant ainsi une fécondation double. Qu'un
tel phénomène puisse être influencé par une constitution génétique
particulière ne paraît pas invraisemblable.
En conclusion, bien que nous ne puissions absolument pas trancher
entre ces deux hypothèses, il nous paraît plausible que la constitution
génétique de l'un des parents ou des deux, et non leur constitution
caryotypique, soit responsable de cette curieuse coïncidence. Il paraît
d'ailleurs vraisemblable que ce type d'effet génique, bien établi pour le
testicule féminisant, ne soit absolument unique dans notre espèce et que
plusieurs autres constitutions géniques puissent modifier profondément le
développement du sexe gonadique et du sexe phénotypique.
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Bibliographie
1. LEJEUNE J., BERGER R., RÉTHORÉ M. O., VIALATTE J. et SALMON Ch.
Sur un cas d'hermaphrodisme XX/XY. Ann. Génét., 1966, 9, 171.
2. ROSENBERG H. J,, CLAYTON G. W. et Hsu T. C. Familial truc
hermaphrodism. J, Clin. Endocrin. Metab., 1963, 23, 203.
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