Une translocation inhabituelle intéressant un chromosome 21 et un
chromosome 18 est observée chez une femme normale et son fils trisomique 21.
L'analyse du caryotype après " dénaturation ménagée " permet de préciser
les points de cassure sur les chromosomes intéressés.
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Observation
Le proposant, III,1 (fig. 1) est né le 23-12-1967 au terme d'une
grossesse normale. Le diagnostic de trisomie 21 est porté dès la naissance. A
l'âge de trois ans, au moment de l'examen chromosomique, cet enfant a l'aspect
clinique d'un trisomique 21. Seules particularités, les cheveux sont fins et
frisés et le visage assez eumorphique (fig. 2).
Sa mère, II,5, primipare de phénotype normal, était âgée de 21
ans à la naissance.
L'examen chromosomique a été pratiqué sur des cellules sanguines
selon la microméthode habituelle.
Le caryotype du proposant (I.P N°8284) comporte 47 chromosomes. Il
manque un chromosome 18 et l'on remarque deux éléments anormaux ; l'un
ressemblant à un 16 est interprété comme un 18p+ : l'autre, petit élément
centrique porteur de satellites, est interprété comme un Gq-.
Le caryotype de la mère (I.P. N° 8285), à 46) chromosomes, comporte
les mêmes éléments remaniés 18p+ et Gq-; on en conclut qu'il s'agit d'une
translocation équilibrée.
Les grands-parents maternels (I,1 I.P. N° 8649 et I,2 I.P. N° 8650)
ont un caryotype normal ; le remaniement est donc apparu de novo chez la mère
du proposant.
Un second examen cytogénétique de la mère et de l'enfant a été
pratiqué après dénaturation ménagée [1]. Avec cette méthode, le
chromosome 21 présente une coloration hétérogène : les deux tiers proximaux
du bras long sont très clairs et le tiers distal très coloré. Les bras
courts du chromosome 18, homogènes, sont de coloration intermédiaire.
L'analyse fine des chromosomes remaniés permet d'affirmer que le
chromosome G est bien un 21 amputé de sa partie distale très colorable, qui
se retrouve à l'extrémité du bras court du 18. Les points de cassure se
situent donc à la partie distale de la zone claire du 21 et à la partie distale
du bras court du 18 (fig. 3).
On en conclut que l'enfant a reçu de sa mère les deux éléments
remaniés (translocation 18p+ ; 21q-) plus le chromosome 21 normal. D'où le
syndrome typique de trisomie 21.
 Fig. 1. - Arbre
généalogique
 Fig. 2. -
Le proposant
 Fig. 3. -
Caryotype partiel de la mère (a) et de son fils trisomique 21 (b).
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Discussion
Comparées aux translocations par fusion centrique, les translocations
réciproques intéressant le groupe G paraissent beaucoup plus rares. Elles ne
sont cependant pas exceptionnelles puisque plus de 30 observations ont été
publiées.
Si la malségrégation atteint pratiquement toujours le chromosome G
(21 ) en cas de fusion centrique, il n'en est pas de même pour les
translocations réciproques où elle peut aussi bien atteindre l'autre
élément remanié.
Il est possible que cette malségrégation dépende de deux conditions
:
- d'une part, de la nature du chromosome G atteint : la trisomie ou la
monosomie 22 paraissant incompatibles avec le développement, les
malségrégations connues de translocations de type t(22 ; Z) intéressent le
segment Z, comme dans un cas précédemment publié d'une trisomie partielle du
bras court du 9 [2]. Dans cette famille la méthode de dénaturation a montré
qu'il s'agissait d'une t(22p+ ; 9q-) (fig. 4) ;
- d'autre part, de l'emplacement des points de cassure ; le chromosome
dont la morphologie est la plus remaniée pouvant être le plus sensible à la
malségrégation, par suite d'une mauvaise synapse à la méiose.
Ainsi, dans les cas de t(21q- ; Z+,), où le chromosome 21 est coupé
en son milieu, comme dans la présente observation, la difficulté synaptique
portera spécialement sur le 21 et non sur le 18 dont la structure est à peine
modifiée.
On voit ainsi qu'une méthode d'analyse fine comme celle utilisée ici
permet non seulement de reconnaître les points de cassure mais aussi de
prévoir partiellement tout au moins, le comportement méiotique des éléments
remaniés.
 Fig. 4. - Caryotypes partiels d'un cas de trisomie
pour le bras court du 9 par translocation.
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Bibliographie
1. DUTRILLAUX B., LEJEUNE J., 1971. - Sur une nouvelle technique
d'analyse du caryotype humain. C.R. Acad. Sc. (Paris), 272, 2638.
2. RETHORÉ M.O., LARGET-PIET L., ABONYI D., BOESWILWALD M., BERGER
R., CARPENTIER S., CRUVEILLER J., DUTRILLAUX B., LAFOURCADE J., PENNEAU M.,
LEJEUNE J., 1970. - Sur quatre cas de trisomie pour le bras court du chromosome
9. Individualisation d'une nouvelle entité morbide. Ann. Génét., 13,
217.
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