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Observation
Le proposant (III,3, fig. 1) âgé de 30 ans, consulte pour
stérilité primaire : marié depuis 8 ans, aucune grossesse n'est survenue
chez sa femme dont tous les examens gynécologiques sont normaux. Parmi les
antécédents, on remarque l'existence d'une hernie inguinale, traitée par un
bandage, à l'âge de 5-6 ans. La puberté s'est effectuée normalement, à 13-14
ans. Le patient a subi l'ablation d'un kyste scrotal gauche, à l'âge de 26 ans
; intervention suivie d'une hémorragie intravaginale. Lors de l'examen, en
novembre 1971, on décèle un varicocèle gauche modéré, et une petite
hypotrophie testiculaire bilatérale. L'activité sexuelle est normale. Deux
spermogrammes révèlent une azoospermie totale, avec un liquide séminal de pH
8. Lors de l'intervention, les testicules apparaissent petits, les épididymes
et les déférents normaux. La ponction épididymaire ne rapporte aucun
spermatozoïde. L'examen anatomo-pathologique d'un fragment de chaque
testicule, montre " un arrêt de l'évolution spermatogénétique avant le
stade spermatide, une vacuolisation du Sertoli, un oedéme et une stase
veineuse évocateurs d'un trouble circulatoire à effet bilatéral ". D'après
le Professeur Gouygou cet aspect pourrait témoigner d'une atrophie germinale
acquise d'origine circulatoire. Le taux de FSH est normal ; celui de 17
cétostéroïdes est trop bas, à 9 mg/24 h. Enfin, cet homme d'intelligence
normale, est atteint de troubles de la parole (bégaiement) ayant nécessité
une rééducation.
La soeur aînée du proposant (III,2) est mère de deux enfants bien
portants (IV,1 et IV,2). Par contre, la tante maternelle du proposant (II,4),
âgée de 58 ans, n'a jamais eu d'enfants et fut soignée, étant plus jeune,
pour stérilité.
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Analyse cytogénétique
L'examen du caryotype somatique fut réalisé selon la méthode
habituelle, à partir de cellules sanguines. Parallèlement, les techniques de
coloration spécifique, après dénaturation ménagée (1), et après digestion
enzymatique (2), furent utilisées.
Le proposant porte une translocation entre le bras long de l'un des
chromosomes 1 et le bras long de l'X (fig. 2 c). En se référant à la
nomenclature de Paris 1971 (4), les points de cassure se situent dans la 1re
bande de la 3e région du bras long du 1 (1q31) (nota) et dans la dernière
bande de la 2e région du bras long de l'X (X q 28). D'autre part, le
chromosome 1 remanié porte une élongation de sa constriction secondaire (1 qh
+). La formule chromosomique du sujet est donc : 46, Y, t (1 qh+ ; X) (q31 ;
q28).
Le père du proposant possède un caryotype normal. La soeur (fig. 2
d) ne porte pas la translocation, mais possède un 1 qh+ : 46, XX, (1 qh+).
La mère (fig. 2 a) porte le même chromosome 1 qh+, et l'autre 1 est
remanié 46, X, (1 qh+), t(1 ; X) (q31 ; q28).
Enfin, la tante maternelle (fig. 2 b) porte la même translocation,
sans élongation des constrictions secondaires : 46, X, t(1 ; X) (q31 ;
q28).
Le caryotype des grands-parents décédés n'est pas connu. Il est
cependant très probable que l'un d'eux portait la translocation et l'autre,
l'élongation de la constriction secondaire du 1.
L'examen des cellules germinales du proposant montre une distribution
particulière du nombre des métaphases observées : 86 spermatogonies, 16
spermatocytes primaires, d'aspect " dégénéré ", et aucun spermatocyte
secondaire.
Dans les rares métaphases primaires analysables, un grand élément
en chaîne, probablement tétravalent, remplace le bivalent sexuel et un
bivalent autosomique (fig. 3). Il peut être constitué de l'association
termino-terminale du 1 remanié, associé par les bras courts au 1 normal,
lui-même associé par les bras longs au segment de 1 attaché à l'X, lui-même
associé à l'Y par les bras courts (fig. 4).
L'analyse de 100 cellules, au stade pachytène, révèle l'absence de
vésicule sexuelle 66 fois, la présence d'une vésicule de taille normale 13
fois, d'une petite vésicule 7 fois, d'une grande vésicule 2 fois, de 2
vésicules 1 fois et de 3 vésicules 1 fois.
 Fig. 1. - Arbre
généalogique
 Fig. 2. -
Montages partiels des caryotypes observés après " dénaturation ménagée " :
a. Mère du proposant : 46, XX,1 qh+, t(1; X) ; b. Tante maternelle du
proposant 46, XX, t(1; X) ; c. Proposant 46, Y, t(1 qh+ ; X) ; d. Soeur du
proposant 46, XX, (1 qh+). La dèche indique l'élongation de la constriction
secondaire (1 qh+).
 Fig.
3. - spermatocyte primaire en métaphase. La flèche indique l'élément en
chaîne, probablement tétravalent.
 Fig. 4. - Représentation schématique du tétravalent constitué
de l'association des chromosomes 1, X et Y.
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Discussion
Il ressort d'une étude systématique (1) que les translocations
équilibrées paraissent être plus fréquentes chez les hommes stériles que
dans la population générale.
La stérilité du proposant pourrait être en rapport avec plusieurs
phénomènes :
1. Effet de position résultant du remaniement t(1 ; X).
2. Effet méiotique aboutissant à une anomalie de la formation de la
vésicule sexuelle, du fait de l'association de matériel autosomique.
3. Effets vasculaires résultant du varicocèle bien que cette
anomalie entraîne plus souvent une tératospermie qu'une azoospermie.
L'absence d'étude méiotique et gynécologique, chez la tante, ne
permet pas de discuter l'origine de sa stérilité.
L'arbre généalogique révèle une sélection sévère à l'encontre
du remaniement, ce qui est en accord avec la rareté des translocations
intéressant le chromosome X. Pour notre part, nous ne connaissons qu'un seul
autre exemple démontré par analyse fine des chromatides : un cas de
translocation t(6 ; X), chez une femme atteinte d'aménorrhée primaire (I. P.
n°10180).
Cette sélection est peut-être liée à une anomalie de la mécanique
chromosomique bien que la présence de l'élongation de la constriction
secondaire sur le 1 q- du proposant et sur le 1 normal de sa mère et de sa
soeur prouve la possibilité d'échanges de chromatides et donc de synapse à la
méiose.
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Références
(1) B. DUTRILLAUX et J. LEJEUNE, Comptes rendus, 272, série D, 1971,
p. 2638-2640.
(2) B. DUTRILLAUX, J. DE GROUCHY, C. FINAZ et J. LEJEUNE, Comptes
rendus, 273, Série D, 1971, p. 587-588.
(3) B. DUTRILLAUX, G. LE LORIER, J. SALAT et J. ROTMAN, La Presse
Médicale, 79, 1971, p.1231-1234.
(4) Paris Conférence : Standardization in human genetics Birth
Defects, The national Foundation (sous presse).
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Nota :
Par convention, le bras court d'un chromosome est symbolisé par p et le
bras long par q. Chaque bras est divisé en un certain nombre de régions (par
exemple, 4 pour le bras long du 1:1 q1,1 q2,1 q3 et 1q4). Enfin, chaque région
est divisée en un certain nombre de bandes (par exemple, 2 pour la 3e région
du bras long du 1:1 q31 et 1 q32). Par ailleurs, l'élongation d'une
constriction secondaire, encore appelée zone hétérochromatique, se symbolise
par h+ (par exemple 1 qh+).
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