Avec les nouvelles techniques de marquage chromosomique, il est devenu
aisé d'identifier tous les chromosomes humains.
En particulier, la reconnaissance des chromosomes X naguère confondus
avec les autres éléments du groupe C, apporte de précieux renseignements. Il
nous a paru intéressant de comparer les résultats obtenus dans l'analyse de
caryotypes féminins normaux, et anormaux à 45,X/46,X i(Xq) et à 48,XXXX, par
deux méthodes de marquage aux principes différents.
L'une est une méthode dynamique, faisant intervenir un agent
modifiant la spiralisation des chromosomes de cellules vivantes [7, 8], l'autre
agit sur les préparations fixées, par dénaturation ménagée [3].
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Technique
Des cellules de la patiente atteinte du syndrome de Turner à 45,X/46,X
i(Xq), et de la patiente à 48,XXXX, et de différentes patientes normales sont
analysées par chaque méthode, après culture de cellules sanguines. De plus,
des cellules fibroblastiques de la patiente à 48,XXXX, sont examinées après
décongélation d'une suspension cellulaire préservée dans l'azote liquide
[2].
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Méthode au BUDR
Le BUDR (5-bromodéoxyuridine, calbiochem U.S.A.) est ajouté après
72 heures de culture, à la concentration finale de 200 mg/ml de milieu, et
laissé au contact des cellules pendant 5 à 6 heures.
L'adjonction de colchicine, à la concentration de 0,2 mg/ml pendant
les 90 dernières minutes d'incubation avec le BUDR, permet une accumulation
des mitoses. Après un choc hypotonique de 5 minutes, dans une solution aqueuse
de KCL à 0,075 M, les cellules sont fixées par un mélange de méthanol et
d'acide acétique, dans les proportions 3 : 1.
Les préparations sont séchées à l'air, et colorées par un mélange
d'azur-éosine.
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Méthode de dénaturation
Pour les cellules sanguines, la technique utilisée fut celle
préalablement publiée [4], Une modification fut apportée pour l'analyse des
fibroblastes de la patiente à 48,XXXX [3].
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RésultatHaut
1) Technique au BUDR.
Plusieurs dizaines de cellules, avec une bonne segmentation des X,
furent examinées pour chaque patient, bien que la réaction au traitement fut
en règle assez pauvre.
Cas à 48,XXXX.
Un total de 30 métaphases, avec une différenciation correcte des
X fut étudié. A chaque fois, il est aisé de repérer, parmi les éléments
du groupe C, 3 chromosomes de morphologie particulière.
Ils sont submétacentriques et possèdent, au milieu du bras court
et au premier tiers du bras long, une région faiblement colorée, assez
longue. La partie distale du bras long est généralement divisée par une ou
plus rarement deux bandes claires, moins prononcées que la première. Ces
bandes pâles, correspondant probablement à une despiralisation de la
chromatide, sont entourées de bandes sombres, où la chromatide serait à l'inverse, normalement spiralisée. L'élongation de ces 3 chromosomes, bien
que susceptibles de variations d'amplitude, permet dans tous les cas de les
différencier du quatrième X, de même morphologie générale mais dont les
bandes claires sont beaucoup moins allongées (fig. 1).
Ces éléments sont très comparables aux chromosomes X observés
dans les cellules normales à 46, XX [1] (fig. 1) : les trois premiers
éléments correspondraient à l'X de réplication tardive, et le quatrième à l'X de replication précoce.
 Fig. 1. - Montage des chromosomes
X de 4 cellules observées après traitement au BUDR : à 46,XX (à droite) ; à 48, XXXX (au centre) et à 46, Xi(Xq) (à gauche).
Cas à 45,X /46,X i(Xq).
L'analyse (les métaphases à 45 chromosomes confirme la présence
d'un seul X. D'après son faible degré de despiralisation, cet élément peut
correspondre à un X de réplication précoce (fig. 1).
Dans les cellules à 46 éléments, on reconnaît, en plus, un
grand métacentrique différent des éléments du groupe A par sa segmentation
particulière.
Les deux bras de ce chromosome sont identiques, caractérisés par
la présence de deux constrictions importantes, divisant chaque bras en trois
segments condensés.
Dans quelques cellules, l'exagération de la constriction
proximale, plus longue que la distale, laisse supposer que cet élément peut
correspondre à un X de réplication tardive.
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2) Technique de dénaturation.
L'analyse par cette méthode est rendue difficile par le fait que
l'X est un des chromosomes les moins bien marqués. Sa coloration générale
est pâle et les bandes peu contrastées.
Cas à 48,XXXX.
La reconnaissance des 4 chromosomes X est aisée, nais il ne
semble pas exister de différence notable de longueur entre ces éléments.
Cependant, en raison du nombre restreint de cellules permettant une mesure
correcte des 4 X, il n'a pas été possible de faire une analyse
statistique.
La morphologie générale des X correspond assez bien à celle qui
est observée avec la méthode précédente. Si l'on se limite aux bandes les
mieux marquées, on voit qu'il existe au milieu du bras court, et au premier
tiers proximal du bras long, une bande très pâle (fig. 2).
Cas à 45,X / 46,X i(Xq).
Dans les cellules à 45 éléments, on reconnaît l'X, dont la
longueur est légèrement inférieure, en moyenne à celle des 7.
Dans les cellules à 46 chromosomes, on observe, en plus, an grand
métacentrique qui peut, d'après son marquage et ses dimensions, correspondre
à un isochromosome X.
La comparaison de la longueur moyenne des bras longs de L'X
normal, à celle de la moyenne des bras de l'isochromosome X, dans 10 belles
métaphases, ne révèle pas d'élongation relative ni de l'isochromosome, ni
du bras long de l'X normal (fig. 2).
Cellules normales à 46,XX.
Afin de détecter une éventuelle différence de longueur entre
les deux X normaux en métaphase, nous avons comparé les différences de
longueur entre les deux chromosomes X d'une part, et entre les deux éléments
de la paire 7, d'autre part.
La paire n° 7 a été choisie comme référence en raison de sa
métrique, très voisine de celle des X.
L'analyse de 20 belles métaphases n'a pas permis de conclure que
la différence de longueur entre les 2 X est en moyenne supérieure à celle qui
existe entre les 7.
On ne peut donc reconnaître un X " court " et un X " long ",
moins spiralisé.
 Fig. 2. - Montage des chromosomes X de 4
cellules observées après dénaturation ménagée : à 46,XX (à droite) ; à 48,XXXX (au centre) et à 46,Xi(Xq) ( à gauche).
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Discussion
1° Ces observations confirment les résultats précédemment obtenus,
par l'emploi de BUDR [1,6] montrant que lorsqu'il existe deux ou plusieurs
chromosomes X dans une cellule en division, ceux-ci réagissent différemment
au traitement. Il est probable que les X dont la spiralisation est la moins
marquée soient ceux dont la réplication est tardive. La simplicité de la
méthode au BUDR devrait la faire préférer aux techniques d'autoradiographie,
dont les applications sont comparables [5, 7].
A l'inverse, la technique de dénaturation permet une bonne
identification des X, mais ne révèle pas de différence de leur condensation
dans une même cellule en métaphase, après l'action de la colchicine.
Cela, n'exclut cependant pas qu'il puisse exister un asynchronisme de
la contraction de ces chromosomes à une phase plus précoce comme la prophase.
Une mesure grécise des chromosomes en prométaphase précoce sera effectuée
ultérieurement.
2° La comparaison des images observées, avec chaque méthode,
paraît fort intéressante. Avec la technique au BUDR le chromosome X est
l'élément le mieux marqué par l'importance des zones de despiralisation. A
l'inverse, avec la technique de dénaturation ménagée, l'X est l'élément le
plus pâle du caryotype, et le contraste entre les bandes claires et sombres
est assez faible. En métaphase, seules les bandes claires situées au milieu
des bras courts, et au premier tiers proximal des bras longs sont
régulièrement marquées. Ces zones pâles correspondent aux zones les plus
despiralisées par l'action du BUDR.
Si l'on analyse des cellules en prophase, ou en prométaphase
précoce, après dénaturation ménagée, d'autres bandes claires apparaissent
dans la partie distale des bras longs en particulier.
La localisation de ces bandes correspond aux zones de despiralisation,
après action du BUDR, bien visibles sur l'X à replication tardive (fig.
3).
Cette corrélation entre les lieux d'action des ces deux méthodes,
aux principes apparemment très différents devrait apporter des informations
précieuses sur l'origine du marquage chromosomique. Bien que l'on ne sache pas
à quel niveau chimique ces méthodes agissent, il paraît plausible que
l'action du BUDR sur des cellules vivantes, soit d'empêcher la formation d'un
constituant chromosomique que la dénaturation thermique ménagée détruit ou
modifie, sur des cellules fixées. Ainsi, le BUDR agissant avant fixation
pourrait révéler des différences métaboliques entre les deux chromosomes X,
alors que la dénaturation ménagée, survenant après fixation ne pourrait
déceler cet effet dynamique.
 Fig. 3. a) Représentation
schématique d'un X a réplication tardive, tel qu'il peut être vu à la figure
1. b) Représentation schématique d'un X, de noyau prométaphasique, après
dénaturation ménagée. c) chromosome X de 3 cellules différentes en
prométaphase après dénaturation ménagée.
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Références
1. BARANOVSKAYA L.I., BENJUSCH V.A. (1972). - Differentiation along
human chromosomes in relation tu their identification. II. X-chromosome.
Cytologya (in press).
2. CARPENTIER S., LEJEUNE J. (1970). - Banque de cellules diploïdes
humaines à caryotypes anormaux. Ann. Génét., 13, 135-140.
3. CARPENTIER S,, DUTRILLAUX B., LEJEUNE J. (1972). - Effet du milieu
ionique sur la dénaturation thermique managée des chromosomes humains. Ann.
Génét., 15, n°3, 203-205.
4. DUTRILLAUX B., LEJEUNE J. (1971). - Sur une nouvelle technique
d'analyse du caryotype humain. C.R. Acad. Sci., 272, 2638-2640.
5. GIANELLI F. (1963). - The pattern of X chromosome deoxyribonucleic
acid synthesis in two women with abnormal sex chromosome complements. Lancet,
i., 7286, 863-865.
6. PALMER C.G. (1970). - 5-bromodeoxyurïdïne induced constrictions
in human chromosomes. Canad. J. Genet. Cytol., XII, 4, 816-829.
7. RICCI N., DALLAPICCOLA B., VENTIMIGLIA B., TIEPOLO L., FRACCARO M.
(1968). - 48, XXXX/49, XXXXX mosaic : asynchronies among the late replicating X
chromosomes. Cytagenetics, 7, 4, 249-259.
8. ZAKHAROV A.F., SELEZNEV J.V., BENJUSCH V.A., BARANOVSKAYA L.I.,
DEMINTSEVA V.I. (1971). - Differentiation along human chromosomes in relation
to their identification. Excerpta Medica, International Congress series, 233,
193.
9. ZAKHAROV A.F., BARANOVSKAYA L.I., DEMINTSEVA V.U., IBRAIMOV A.I.
(1972). - Differentiation along human chromosomes in relation to their
identification. I. General picture of differentiation induced, by
5-bromodeoxyuridine. Cytologya (in press).
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