L'examen du caryotype d'un enfant présentant les symptômes d'une
trisomie 21 et de ses parents montre l'existence d'une trisomie 21 libre chez
l'enfant et d'une translocation t(DqGq) chez la mère.
Cette curieuse observation nous amène à refaire l'examen après
dénaturation ménagée qui identifie la translocation comme une t(14q22q).
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Observation
L'enfant est né au terme d'une grossesse normale de parents bien
portants, âgés respectivement de 32 ans pour le père et de 24 ans pour la
mère.
Le diagnostic de trisomie 21 n'est porté qu'à l'âge de 8 mois et
l'on demande alors une confirmation du diagnostic par analyse chromosomique. A
l'occasion de cet examen une étude clinique de l'enfant montre tous les signes
caractéristiques de l'affection.
En particulier les dermatoglyphes sont tout à fait typiques d'une
trisomie 21.
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Observation cytogénétique.
Après culture de cellules sanguines selon la méthode habituelle
une analyse après coloration classique est réalisée.
On observe alors chez le proposant (III1 fig. 1) l'existence de 6
éléments du groupe G, ce qui fait porter le diagnostic de trisomie 21
libre.
Le père (II1) possède un caryotype normal à 46,XY. Chez la mère
(II2) on n'observe que 3 éléments dans le groupe G et 5 dans le groupe D et
la présence d'un submétacentrique surnuméraire témoigne d'une translocation
t(DqGq).
La même translocation est retrouvée chez la grand-mère (I2) et la
tante (II3) maternelles alors que le grand-père maternel (I1) possède un
caryotype normal.
Un nouvel examen par dénaturation ménagée des préparations
vieilles de 5 mois, de la mère et de la grand-mère du proposant [1, 5] montre
la présence de 2 chromosomes 21 libres et d'un seul 22. L'un des 14 manque
également et l'on observe un chromosome pouvant résulter d'une translocation
t(14q22q) (fig. 2).
 Fig. 1. - Arbre généalogique de la
famille. N Homme normal. Rond pointé : Femme porteuse de la translocation.
Carré noir : Enfant trisomique 21 à 47,XY,+21.
 Fig. 2 - Caryotype de la mère du
proposant.
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Discussion
En cas de translocation du chromosome 21, et en particulier d'une
t(Dq21q) la survenue d'une trisomie 21, fréquemment observée dans la
descendance [2] s'explique habituellement par la malségrégation du 21 libre
en première division méiotique [4].
Une telle éventualité est ici impossible du fait que l'enfant n'a
pas reçu la translocation.
Avant que l'on ne connaisse la nature des chromosomes remaniés on
pouvait donc envisager deux hypothèses.
1°) La trisomie 21 de l'enfant et la translocation de la mère sont
sans relation. Dans ce cas, la translocation peut toucher indifféremment le 21
ou le 22 et la malségrégation a pu se produire soit en première ou en
deuxième division méiotique de la gamétogenèse du père, soit en deuxième
division méiotique de la gamétogenèse de la mère.
2°) La translocation ne touche pas un 21 mais un 22, et la trisomie
21 de l'enfant résulte d'un effet interchromosomique [6]. Elle provient dans
ce cas, d'une malségrégation en première division de la méiose
maternelle.
Il va de soi que l'identification, cher la mère, d'une translocation
t(Dq21q) eut été très en faveur de la première hypothèse, et inversement,
l'identification d'une t(Dq22q) très en faveur de la seconde.
L'analyse en dénaturation ménagée, réalisée secondairement,
identifiait une t(14q22q) apportant une démonstration quasi expérimentale de
l'effet roterchromosomique dans notre espèce, dont l'existence avait été
vérifiée statistiquement pour les translocations t(DqDq) [3].
Un cas semblable, où la mère, porteuse d'une t(DqGq) avait eu un
enfant atteint de trisomie 21 libre avait déjà été rapporté en 191 par
Moorhead et coll, [7], et il serait fort intéressant de connaître la nature
de la translocation, ce qui n'était pas possible à l'époque.
Notre observation montre que même lorsque le chromosome G atteint
dans une t(DqGq) n'est pas un 21, la descendance n'est pas totalement à l'abri
de la survenue d'une trisomie 21. Cependant, il est actuellement impossible de
préciser le risque.
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Références
1. DUTRILLAUX B., LEJEUNE J. (1971). - Sur une nouvelle technique
d'analyse du caryotype humain. C.R. Acad. Sci. (Paris), 272, 2638-2640.
2. DUTRILLAUX B., LEJEUNE J. (1969). - Analyse de la descendance des
porteurs d'une translocation t(Dq21q). Ann. Génét., 12, 77-82.
3. DUTRILLAUX B., LEJEUNE J. (1970). - Analyse de la descendance des
porteurs d'une translocation t(DqDq). Ann. Génét., 13, 11-18.
4. DUTRILLAUX B. (1968). - Etude des translocations du chromosome 21.
Thèse (Médecine), Paris.
5. LAURENT C., DUTRILLAUX B., BINDER P. (1972). - Application de la
méthode de dénaturation ménagée : dénaturation de préparations
antérieurement colorées. Ann. Génét.,15, 201-202.
6. LEJEUNE J. (1965). - Les conséquences méiotiques des remaniements
chromosomiques. Ann. Génét., 8, 9-10.
7. MORHEAD P.S., MELLMAN W.J., WENAR C. (1961), - A familial
translocation associated with speech and mental retardation. Amer. J. Human
Génét., 13, 32-46.
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