Au terme d'une grossesse de 43 semaines sans incident, l'enfant, du
sexe féminin, est née le 10 février 1974 pesant 3,140 kg, mesurant 44 cm et
ayant un périmètre crânien de 35 cm.
Le père, né en 1933, souffre d'une paralysie congénitale du membre
supérieur droit.
La mère, née en 1943, est en bonne santé. Elle n'a pris aucun
médicament et n'a pas subi d'irradiation. Ses deux autres enfants, un garçon
et une fille, se développent normalement.
L'existence d'un ensemble dysmorphique et d'une cardiopathie
cyanogène compliquée d'un encombrement pulmonaire permanent a motivé
l'hospitalisation de l'enfant le 3 avril 1974. Le poids était alors de 3,110
kg (NI = 4,5 kg), la taille de 46 cm (NI = 55 cm) et le périmètre crânien de
37 cm (NI = 40 cm). Le décès est survenu le 17 mai 1974. La vérification
anatomique n'a pas été effectuée.
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Syndrome dysmorphique (fig. 1 et 2).
Le visage est bouffi, pâle et cyanotique. L'implantation des cheveux
en retrait sur le crâne dégage totalement le front qui est haut. Un
hémangiome, visible tout le long de la suture métopique, se prolonge sur
l'ensellure nasale qui est aplasique. L'écartement des caroncules lacrymales
est exagéré (3,7 cm). Cet hypertélorisme s'accompagne d'un épicanthus plus
marqué à gauche où l'ouverture des paupières est réduite. Les iris,
foncés, portent des taches de Brushfield. Le nez est très court, son
extrémité antérieure charnue ; les orifices narinaires s'ouvrent vers le
bas. La lèvre supérieure est très longue, le philtrum étroit, le palais
ogival, la lèvre inférieure éversée, le menton en retrait. Le pavillon des
oreilles, très petit, est implanté bas. A droite, la moitié supérieure du
pavillon est recouverte par un large ourlet martelé sous lequel se perd
l'anthélix très saillant dans sa moitié inférieure ; le lobule est
perpendiculaire au plan de la face. A gauche, la partie supérieure du
pavillon, largement ourlée, est légèrement rabattue ; la branche horizontale
de l'anthélix et l'antitragus sont très saillants ; le lobule est
perpendiculaire au plan de la face.
Le cou est très court et porte de larges replis cutanés. Les
épaules sont déportées en avant ; les muscles de la ceinture scapulaire sont
hypoplasiques ; le thorax est en carène. Il existe un souffle systolique et
une hépato-splénomégalie importante, une petite hernie ombilicale, une
subluxation de la hanche droite. Les organes génitaux externes ont un aspect
normal.
Les doigts sont fléchis en permanence, l'index recouvrant le pouce,
l'auriculaire et le médius recouvrant l'annulaire. Les pieds sont en piolet ;
l'écart des premiers orteils est exagéré.
Les dermatoglyphes (fig. 3) n'offrent pas de particularités notables
si ce n'est quelques " points de capiton " au niveau des plis de flexion des
paumes.
 Fig. 1 et 2. - La patiente à l'âge de deux
mois.
 Fig. 3. - Schéma
des dermatoglyphes de la patiente.
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Examens complémentaires.
- ECG : axe à 90° (le 4-4-1974).
- Examens radiographiques : coeur augmenté de volume. Squelette
normal. Urographie intraveineuse normale.
- Fond d'oeil : rétine gauche pâle. Vaisseaux très fins.
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Cytogénétique.
Le résultat des examens chromosomiques effectués chez la proposante
(I.P. N° 14.263) est résumé dans le tableau 1.
Tableau I
Tissus examinés | nombre de cellules
analysées |
I.P. N° 14263 | 46, XX | 47, XX, +14 |
Sang | 19 | 2 |
Boipsie de peau | 22 | 2 |
L'analyse de la structure fine des chromatides obtenue par
dénaturation des préparations par la chaleur selon la méthode de Dutrillaux
et Lejeune [3] montre un caryotype féminin normal dans les mitoses à 46
chromosomes et un chromosome 14 excédentaire dans les cellules à 47
chromosomes. Ces observations permettent de conclure à une constitution en
mosaïque : 46,XX/47,XX,+14 (fig. 4). Un fragment cutané est conservé dans
l'azote liquide sous le N° I.P.C. 388.
L'examen des chromosomes des parents de la proposante n'a pas été
effectué.
 Fig. 4. - Montage réalisé à partir de trois
mitoses de la patiente. Groupe D en bandes R : a) issu d'une cellule 46,XX. b
et c) issu de deux cellules 47,XX, +14.
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Discussion
Seules, les techniques de marquage des chromatides permettent de
distinguer les uns des autres les chromosomes du groupe D.
L'autoradiographie [4] et les méthodes de bandes Q[1], R[3] et G[2]
montrent que chez tous les patients atteints du syndrome décrit par Patau et
coll. en 1960 [9], le chromosome D présent en triple exemplaire est toujours
le même, le chromosome 13 par définition.
Un cas de trisomie 14 est rapporté par Murken et coll. [7].
L'identification des chromosomes par autoradiographie ne permet pas d'affirmer
l'intégrité du chromosome 14 excédentaire. Dans cette observation, la
trisomie est homogène ; dans la nôtre, elle n'est présente que dans un très
faible pourcentage des cellules. La concordance phénotypique des deux patients
est grande : microcéphalie ; front haut ; hypertélorisme important ; aplasie
de l'ensellure nasale ; épicanthus unilatéral et asymétrie des fentes
Palpébrales ; longue lèvre supérieure ; implantation basse des oreilles ;
pavillons petits et très ourlés ; cou court ; thorax en carène ;
malformation des extrémités ; hypotrophie staturo-pondérale. Chez le malade
de Murken il existe une fente palatine, chez le nôtre, une cardiopathie
responsable du décès précoce.
Les huit observations [11] de trisomie pour la région proximale du
chromosome 14 résultent toutes, sauf celle de Muldal et coll. [6] de
translocations parentales équilibrées. Il en est de même pour celle de
Pfeiffer et coll. [10] dans laquelle la trisomie pour l'extrémité distale du
chromosome 14 est associée à une monosomie de la région télomérique du 21.
Dans le cas rapporté par Opitz et coll. [8] la trisomie 14, quasi complète,
résulte de la malségrégation d'une translocation maternelle t(X;14). Dans
ces cas complexes, la diversité cytologique rend très difficile
l'interprétation du phénotype.
Si la trisomie complète du chromosome 14 semble être tout à fait
exceptionnelle chez les enfants nés vivants, sa fréquence est relativement
élevée dans les produits de fausse couche spontanée.
Dans une étude actuellement en cours et portant sur seize lignées
cellulaires congelées, issues de cultures d'embryons trisomiques D homogènes,
Boué et coll. (communication personnelle) ont observé une trisomie 14 dans
dix lignées, une trisomie 13 dans deux lignées et une trisomie 15 dans quatre
lignées. Parmi les quinze embryons porteurs d'une trisomie D homogène
analysée par Therkelsen et coll. [12] quatre sont trisomiques 14, dix
trisomiques 15 et un trisomique 13. Dans l'étude de Kajii et coll. [5] portant
sur sept embryons trisomiques D homogènes, une trisomie 14 a été trouvée
dans quatre spécimens, une trisomie dans trois.
La viabilité de ces trisomies 14 paraît donc, d'une façon
générale, réduite et conditionnée par la présence ou l'absence de
malformations viscérales ; l'observation de nouveaux cas serait nécessaire
pour la préciser.
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Références
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Identification of human chromosomes by DNA-binding fluorescent agents.
Chromosoma (Berl.), 30, 215.
2. DRETZ M.E., SHAW M.W. (1971). - Specific banding patterns of human
chromosomes. Proc. nat. Acad. Sci. (Wash.), 68, 2073.
3. DUTRILLAUX B., LEJEUNE J. (1971). - Sur une nouvelle technique
d'analyse du caryotype humain. C. K. Acad. Sci. (Paris), 272, 2638.
4. GERMAN J. (1964). - The pattern of DNA synthesis in the chromosomes
of human blood cell: J. Cell. Biol., 20, 37.
5. KAJII T., OHAMA K., NIIKAWA N., FERRIER A., SUGANDHI A. (1973). -
Banding analysis of abnormal karyotypes in spontaneous abortions. Amer. J. Hum.
Genet., 25, 539.
6. MULDAL S., ENOCH 5.B., AHMED A., HARRIS R. (1973). - Partial
trisomy 14q- and pseudo xanthoma elasticum. Clin. Génét., 4, 480.
7. MURKEN J.D., BAUCHINGER M., PALITZSCH D., PFEIFFER H., SUSCHKE J.,
HAENDLE H. (1970). - Trisomie D2 bei einem 21 /2 jährigen Mädchen (47,XX, +
14). Humangenetik, 10, 254.
8. OPITZ J., PALLISTER P.D., RUDDLE F.H., (1973). - An (X;14)
translocation, unbalanced, 47 chromosomes. Repository identification n° GM-74.
Cytogenet. Cell. génét., 12, 291.
9. PATAU F., SMITH D.W., THERMAN E., INHORN S.L., WAGNER H.P. (1960).
- Multiple congenital anomaly caused by an extra chromosome. Lancet, i,
790.
10. PFEIFFER R.A., BUTTINGHAUS K., STRUCK H. (1973). Partial trisomy
14 following a balanced reciprocal translocation t(14q-;21q+). Humangenetik,
20, 187.
11. RAOUL O., RETHORÉ M.-O., DUTRILLAUX B., MICHON L., LEJEUNE J.
(1975). - Trisomie 14q partielle. I. -Trisomie 14q partielle par translocation
maternelle t(10;14)(p15.2; q22). Ann. Génét., 1975, 18, n° 1, 35-39.
12. THERKELSEN A.J., GRUNNET N., HJORT T., MYHRE JENSEN O., JONASSON
J., LAURITSEN J.G., LINDSTEN J., BRUNN PETERSEN G. (1973). - Les accidents
chromosomiques de la reproduction. Colloque de l'INSERM. Centre International
de l'Enfance, p. 81.
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