Après l'étude approfondie du caryotype des genres Pan et Gorilla, et
leur comparaison avec celui d'Homo Lejeune et al., 1973 ; Dutrillaux et al.,
1973 ; Dutrillaux et al. 1975), nous présentons l'étude du 3e genre de la
famille des Pongidae, représenté par l'espèce Pango pygmaeus
(Orang-outang).
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Matériel et méthodes
Deux individus, en captivité au zoo d'Anvers, ont été examinés,
l'un était une femelle adulte, l'autre un jeune mâle.
Après culture de cellules sanguines, différentes techniques de
marquage ont été utilisées : bandes Q (Caspersson et al., 1970), bandes R
(Dutrillaux et Lejeune, 1971), bandes T (Dutrillaux, 1973) et bandes G11(Gagné
et Laberge, 1972).
Les chromosomes de Pongo sont comparés à ceux d'Homo, Pan et
Gorilla.
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RésultatsHaut
Présentation des illustrations
On trouvera dans les figures 1 à 5 les chromosomes d'Homo et de
Pongo. Bien que la comparaison ait été effectuée également avec Pan et
Gorilla, les chromosomes de ces deux derniers ne sont pas représentés ici,
afin de ne pas compliquer les illus-trations. On se rapportera donc aux travaux
anté-rieurs (Lejeune et al., 1973 ; Dutrillaux et al., 1973).
Dans chaque planche, le schéma de gauche indique la nomenclature
des chromosomes humains, qui sera prise comme référence. Ensuite, sur chaque
ligne horizontale se trouvent 2 chromosomes en bandes R, puis 2 en bandes Q,
puis 2 en bandes T et enfin 2 en bandes G11.
Pour chaque paire ainsi formée, le chromosome de gauche appartient
à Homo, celui de droite à Pongo.
Chromosomes 1.
Bandes R, Q, T et H : bras court et bras long identiques à ceux de
Pan et Gorilla.
Par rapport à Homo : absence de la région q1 et des bandes q21 et
q22.
Chromosomes 2.
Deux éléments acrocentriques correspondent ici au chromosome 2
humain.
Chromosomes 2p.
Bandes R et Q : identiques aux 2p de Gorille, inversion du
segment 2p11 ? 2q12 par rapport à Pan. Comme chez Gorilla, il existe un
satellite sur le bras court.
Bandes T : marquage de la région du satellite.
Bandes G11 : marquage du bras court.
Chromosomes 2q.
Bandes R et Q : bras court réduit à un satellite. Bras long
identique à celui d'Homo, Pan et Gorilla de q37 à q21.3. Une inversion
péricentrique du segment q21.1 ? q21.3 permet de reproduire le 2q de Pan et
Gorilla.
Bandes T : marquage de la bande q37, de la région
centromérique et du satellite.
Bandes G11 : marquage du bras court.
Chromosomes 3.
Bandes R : sub-métacentriques distaux. Leur morphologie diffère
très sensiblement de celle des autres espèces qui possèdent toutes des 3
identiques.
Pour reproduire les 3 de Pongo, on est amené à faire intervenir
un réarrangement à 3 points de cassure qui consisterait en une inversion
paracentrique et une translation. Les points de cassure siégeraient
respectivement dans les bandes p25, p21 et q22 (fig. 6).
Bandes Q : il existe, près du centromère une zone non
fluorescente, opposable à la bande très fluorescente observée chez les autres
espèces.
Bandes T : marquage important de l'extrémité du bras court.
Celui-ci peut résulter de l'accolement des bandes p25 et q21.
Bandes G11 : pas de marquage.
Chromosomes 4.
Bandes R : par rapport à Homo, bras court identique de p16 à p13 ;
bras long identique de q35 à q21.1. Inversion péricentrique du segment p13 ?
q13. Cet élément correspond au chromosome 4 de Gorilla.
Bandes Q : existence d'une zone très pale dans la région
juxta-centromérique du bras long, ayant la même localisation et la même
extension que la bande Q très fluorescente de Gorilla. L'aspect de cette zone,
souvent étirée, rappelle celui d'une constriction secondaire. Du fait de cet
étirement, les 4 de Pongo sont relativement plus longs, que ceux des 3 autres
espèces.
Bandes T.- marquage identique à celui des autres espèces.
Bandes G11 : pas de marquage.
Chromosomes 5.
Bandes R, Q et T : bras court et long identiques à Homo. Inversion
péricentrique par rapport à Pan et accident plus complexe par rapport à Gorilla.
Bandes H : pas de marquage.
Chromosomes 6.
Bandes R, Q, T et H : identiques à Homo. Il n'existe pas, à l'inverse de chez Pan et Gorilla, de bande Q terminale sur le bras court.
 Fig. 1 à 5. - Comparaison des chromosomes de l'Homme et de
l'Orang-outang (Pongo pygmaeu]). De gauche à droite : analyse en techniques de
bandes R, Q, T et G11. Pour chaque technique, le chromosome humain est à gauche. Le schéma situé à l'extrême gauche représente la nomenclature des
chromosomes humains en bandes R.
 Fig. 6. - Comparaison des chromosomes 3 des Pongidae et de
l'Homme (P : Pingo pygmaeu), G : Gorilla gorilla, H : Homo ]apien]). Le second
chromosome, à partir de la gauche, reproduit un 3 de Pongo à partir d'un 3 de
Pan. Le troisième élément reproduit, à partir d'un 3 de Pongo, celui des
autres espèces.
Chromosomes 7.
Ils sont presque acrocentriques, et ne peuvent être comparés aux
7 de Pan et Homo qu'en passant par une étape intermédiaire représentée par
les 7 de Gorilla (fig. 7).
Bandes R. bras court constitué d'un long segment fortement
coloré. Le bras long est identique à celui des autres espèces de q36 à q31.
Une inversion péricentrique permet de reconstituer les
chromosomes 7 de Gorilla. On sait qu'ensuite une inversion paracentrique du
segment q11.3 ? q22.3 reproduit les 7 d'Homo et de Pan troglodytes à partir
de ceux de Gorilla.
Le bras court très coloré du 7 de Pongo semble donc constitué
de la fusion des 3 bandes les plus foncées (p22, q11 et q22.3) observées chez
Pan et Homo.
Bandes Q : confirment les observations précédentes ; absence de
bande Q terminale.
Bandes T : tout le bras court de Pongo est très fluorescent.
C'est la bande T la plus marquée du caryotype.
Bandes G11 : marquage juxta-centromérique du bras long. Ce
marquage existant sur le bras court chez les 3 autres espèces, l'hypothèse de
l'inversion péricentrique se trouve renforcée.
 Fig. 7. -
Comparaison des chromosomes 7 (P : Pongo, G : Gorille, H : Homo).
Chromosomes 8.
Bandes R : identiques à Homo et Pan à l'exception peut-être de
l'addition d'une petite bande juxtacentromérique sur le bras long.
Bandes Q : identiques à Homo et Pan, à l'exception d'un segment
non fluorescent à la partie juxtacentromérique du bras long.
Bandes T : en plus du marquage de l'extrémité du bras long, il
existe une bande très fluorescente à la partie juxta-centromérique du bras
long, sans correspondance chez les autres espèces.
Bandes G11 : pas de marquage.
Chromosomes 9.
Bandes R, Q, T et G11 : identiques à Gorilla, inversion
péricentrique du segment p24 ? ql2 par rapport à Homo. Par rapport à Pan,
translation de la moitié du bras long dans la bande p24 et délétion de la
constriction secondaire.
Chromosomes 10.
Bandes R : bras court identique à celui d'Homo et Pan. Bras long :
segment terminal q26 ? q23 identique, inversion paracentrique du segment q21
? q22. Pour reproduire le 10 de Gorilla, il est nécessaire de " passer " par
l'étape intermédiaire représentée par les 10 d'Homo et Pan.
Bandes Q : absence de bande Q terminale.
Bandes T : marquage de q26, comme chez les autres espèces.
Bandes G11 : marquage juxta-centromérique du bras long, comme
chez Homo et Pan, ce qui peut laisser supposer que la partie proximale de la
bande q11 n'a pas été atteinte par l'inversion paracentrique.
Chromosomes 11.
Bandes R : bras court et long assez semblables à ceux des autres
espèces. Toutefois, la bande sombre terminale du bras court est trop étendue,
et la bande située en q13 est trop pâle. Possibilité d'une translation de
q13 dans p15, ou inversement d'une translation d'une partie de la bande
terminale de Pongo pour former la bande q13 des autres espèces. De plus, la
bande p11 est trop claire.
Bandes Q : absence de bande Q terminale.
La bande fluorescente p15 n'existe pas à son emplacement habituel.
La bande p12 est trop fluorescente.
Bandes T : marquage très important de la bande terminale du bras
court, et absence du marquage de q13 existant chez les autres espèces, ce qui
renforce l'hypothèse d'un échange de bandes.
Bandes G11 : pas de marquage.
Au total, si l'hypothèse d'une translation d'une partie de la
bande q13 est probable, il semble que le remaniement total du chromosome 11
soit plus complexe encore.
 Fig. 9. - Comparaison des bandes
T du chromosome 11 de Pongo et d'Homo et exemples de lacune située dans la
bande T intercalaire du 11 d'Homo (flèche).
Chromosomes 12.
Bandes R; Q, T et G11: bras court et bras long identiques à Homo.
Par rapport à Pan et Gorilla, inversion péricentrique du segment p12.1 ?
q14, et absence de bande Q terminale.
Chromosomes 13.
Bandes R, T et G11: identiques à Homo et Gorilla.
Bandes Q : absence de bande fluorescente juxtacentromérique.
Chromosomes 14.
Bandes R, Q, T et G11 : identiques à Homo et Pan, inversion
péricentrique par rapport à Gorilla.
Chromosomes 15.
Bandes R, Q, T et G11 : identiques à Homo et Gorilla.
Chromosomes 16.
Bandes R, Q, T et G11: identiques à Homo.
Chromosomes 17.
L'analyse de ce chromosome est particulièrement difficile. Seule
l'analyse concomitante par les différentes techniques permet de proposer un
mécanisme pour " passer " d'Homo à Pongo. Le 17 de Pongo est relativement plus
long, par allongement du bras court.
Bandes R : bras court: addition d'une bande R positive et d'une
bande R négative ; bras long : la bande R négative d'Homo (q22) est plus
proche du centromère chez Pongo.
Bandes Q : bras court : présence de 2 bandes Q positives au lieu
d'une chez Homo ; bras long : la bande Q négative (q21) d'Homo se trouve plus
terminale.
Bandes T : bandes q25 identiques. La coloration de la bande p11.
est renforcée chez Pongo.
Bandes G11 : identiques.
Au total, pas d'inversion péricentrique (bandes H identiques),
possibilité d'une inversion paracentrique du segment q11.2 ? q23.3, et
addition de 2 bandes à la partie proximale du bras court.
Chromosomes 18.
Bandes R, Q, T et G11 : identiques à Pan et Gorilla. Par rapport à Homo : inversion péricentrique du segment p11.3 ? q11 et addition de
matériel hétérochromatique variable.
Chromosomes 19.
Bandes R,. Q et T : identiques à Homo, absence de bande Q
terminale par rapport à Gorilla et Pan.
Bandes G11 : pas de marquage.
Chromosomes 20.
Bandes R : par rapport aux 3 autres espaces bras court : absence
de la bande p13 ; bras long : présence d'une bande supplémentaire, inversion
péricentrique du segment p12 ? q13.3.
Bandes Q : pas de bande Q terminale supplémentaire.
Bandes T : présence de 3 bandes fluorescentes sur le bras long au
lieu de 2, et absence de la bande T du bras court, confirmant l'inversion
péricentrique.
Bandes G11 : pas de marquage.
Chromosomes 21 et 22.
Bandes R, Q, T et G11 : identiques à Homo, en dehors de
l'existence d'un matériel hétérochromatique variable en moyenne plus
abondant sur le bras court.
Il n'existe pas, à l'inverse de chez Pan et Gorilla de bande Q
terminale supplémentaire.
Chromosomes X.
Bandes R, Q, T et G11 : identiques pour les 4 espèces.
Chromosomes Y.
Non étudiés.
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Remarque sur les spécimens analysés
Notre étude a porté sur un mâle et une femelle. Chez le mâle,
âgé de quelques mois seulement, on observe, à deux examens successifs, une
formule sexuelle XX, comme chez la femelle. On sait que le mâle possède
normalement une formule XY (Turleau et al., 1972). Chez la femelle, la formule
chromosomique sexuelle XX correspond bien avec le phénotype. De plus, chez le
mâle, on observe dans toutes les cellules un remaniement de l'un des
chromosomes 12, résultant d'une translation du segment q11 ? q22 dans la
bande p12 (fig. 8).
Ces 2 particularités, comme celle du gorille mâle étudié par
Turleau et al. (1972), observées parmi un nombre restreint de Pongidae laisse
supposer qu'il peut exister chez eux une fréquence élevée d'anomalies
chromosomiques, comparativement à notre espèce.
 Fig. 8. -
Remaniement du chromosome 12 observe chez le spécimen de phénotype mâle de
Pongo.
Haut
Discussion
Après notre étude de Pan troglodytes (Lejeune et al., 1973) et de
Gorilla gorilla (Dutrillaux et al., 1973), l'étude de Pongo pygmaeus par les
mêmes méthodes d'analyse, permet de mieux comprendre un certain nombre de
points de l'évolution chromosomique demeurés obscurs. Une étude
phylogénique globale est rapportée ailleurs (Dutrillaux, 1975). Nous ne
développerons à ce sujet que les modifications structurales subies par
certains chromosomes, et quelques notions nouvelles de mécanique chromosomique
que laissent pressentir les observations.
Haut
a) Les chromosomes analogues.
Si l'on tient compte du seul marquage R, seuls 5 chromosomes, les 6,
19, 21, 22 et X sont communs aux 4 espèces.
Si l'on tient compte du marquage Q, seul l'X est commun, en raison
de la présence de bandes Q terminales en plus, chez Pan et Gorilla.
Si l'on compare les espèces 2 à 2, il existe, en faisant
abstraction des bandes Q terminales :
- entre Pongo et Homo : 12 analogies (chromosomes 5, 6, 8, 12, 13,
14, 15, 16, 19, 21, 22 et X) ;
- entre Pongo et Gorilla : 12 analogies (chromosomes 1, 2q, 4, 6, 9,
13, 15, 18, 19, 21, 22 et X) ;
- entre Pongo et Pan troglodytes : 9 analogies (chromosomes 1, 6, 8,
14, 19, 21, 22 et X).
Comme on l'a vu antérieurement (DutriIlaux et al., 1973), il existe
12 analogies entre Pan et Homo, 11 analogies entre Pan et Gorille et 10
analogies entre Homo et Gorilla.
Par ce seul critère, les genres les plus proches sont donc Homo et
Pan, Homo et Pongo et Pongo et Gorille, alors que les genres les plus distants
sont Pongo et Pan.
Haut
b) Les segments de chromatides analogues.
Si l'on ne considère que les segments de chromatides et non plus
les chromosomes entiers, il est surprenant de constater que les analogies entre
Homo et Pongo portent sur presque tout le caryotype.
Seules différences, le chromosome 1 humain possède en plus les
bandes 1q11, 1q12 (constriction secondaire), 1q21 et 1q22, le chromosome 17 de
Pongo possède, sur son bras court, 2 bandes en plus, et les 2p, 2q et 18 de
Pongo possèdent en plus du matériel hétérochromatique variable sur leur
bras court. Enfin, les régions juxta-centromériques des 4 et 8 de Pongo
portent un marquage particulier, probablement hétérochromatique.
Ainsi, en faisant abstraction de ce matériel hétérachromatique,
les caryotypes d'Homo et de Pongo ne diffèrent quantitativement que par 5
bandes au maximum, soit par 1 % environ du total.
Le caryotype d'Homo se trouve donc, par ce critère également,
plutôt plus proche de celui de Pongo que de celui de Pan et de Gorilla, qui en
diffèrent par environ 10 bandes (Dutrillaux et al. 1973).
Haut
c) Les remaniements de structure
chromosomique.
Les inversions péricentriques.
Les inversions péricentriques séparant Pongo des autres espèces
sont nombreuses.
Entre Pongo et Gorille, on en dénombre 10, portant sur les
chromosomes 2q, 3, 5, 7, 8, 10, 12, 14, 17 et 20. Pour les 3, 10 et 17, se
surajoute un autre remaniement.
Entre Pongo et Pan troglodytes, on en dénombre 9 portant sur les
chromosomes 2p, 2q, 3, 5, 7, 12, 16, 17 et 20. Un autre remaniement se
surajoute pour les 3, 7 et 17.
Entre Pongo et Homo, on en dénombre 7, portant sur les
chromosomes 2p, 2q, 3, 4, 7, 9 et 19. Un autre remaniement se surajoute pour
les 2, 3, 7 et 17.
Par ce critère d'analyse, Pongo se trouve donc plus proche d'Homo
que de Gorilla au de Pan.
Les inversions paracentriques.
Séparant Pongo des autres espèces, on constate une inversion
paracentrique sur le bras long du 10 et une sur le bras long du 17.
Pour le chromosome 7, une inversion péricentrique permet d'abord
de reconstituer le 7 du gorille, et une inversion paracentrique permet ensuite
de reconstituer le 7 d'Homo et de Pan.
Les translations.
Ce type de réarrangement n'avait pas été observé lors de la
comparaison de Pan, Gorilla et Homo (Lejeune et al., 1973 ; Dutrillaux et al.,
1973).
Ici, il est nécessaire de faire intervenir une translation du
segment du 3 (p21 ? q25) dans la bande p22.
Une translation pourrait également expliquer le transfert d'une
partie du segment terminal du 11p, très fluorescent en bandes T, chez Pongo,
dans la région q1 de ce même chromosome, ce qui expliquerait l'existence
d'une bande aux caractéristiques T dans cette région, chez les 3 autres
espèces. Cette particularité pourrait entraîner use certaine fragilité du
11, qui porte parfois une lacune dans la bande T intercalaire (fig. 9), et plus
rarement une endoreduplication.
Enfin, une translation permet de reproduire les 9 de Pan à partir
de ceux de Pongo et de Gorilla.
Les translocations.
Mises là part les translocations signalées dans les études
précédentes (Turleau et al., 1972 ; Lejeune et al., 1973 ; Dutrillaux et al.,
1973), on ne détecte pas ici d'autre translocation avec évidence.
Il est intéressant de souligner, toutefois, que dans l'évolution
chromosomique qui a abouti à la fusion télomérique des 2p et 2q pour former
le 2 humain, le caryotype de Pongo se trouve le plus éloigné de celui
d'Homo.
En effet, une inversion péricentrique du 2q permet de reproduire
le 2q de Gorilla et de Pan. Une inversion péricentrique du 2p de Pongo et de
Gorilla permet de reproduire le 2p de Pan. Enfin, la fusion des 2p et 2q de Pan
aboutit à la formation du 2 humain.
Il existe donc là une séquence linéaire Pongo ? Gorilla ?
Pan ? Homo (fig. 10).
Haut
d) Les bandes Q terminales.
Ces bandes, observées sur de nombreux chromosomes de Pan et de
Gorilla (Lejeune et al., 1973 ; Dutrillaux et al., 1973) ne sont pas observées
chez Pongo, pas plus que chez Homo.
Haut
e) Les bandes Q juxta-centromériques.
Il n'en existe aucune chez Pongo, comme l'avait déjà à souligné
Pearson (1973).
Il est intéressant de souligner que Pongo et Gorille possèdent des
4 et des 9 dont la structure en bandes R, T et G11 est rigoureusement
identique. Cependant, chez Gorilla, il existe sur chacun de ces éléments, une
bande Q juxta-centromérique, très intense, qui fait totalement défaut chez
Pongo.
A l'emplacement correspondant, se trouve au contraire une lacune,
n'émettant aucune fluorescence Q, et qui peut être étirée, comme sur le 4,
à la manière d'une constriction secondaire.
 Fig. 10. -
Évolution présumée des chromosomes 2 (P : Pongo, G : Gorille, H :
Homo).
Haut
f) Les bandes T.
Lors de l'étude comparative de Pan, Gorilla et Homo, nous avions
signalé la grande stabilité de ces structures (Dutrillaux et al., 1973).
cette constatation n'est plus valable si l'on y adjoint l'étude de Pongo.
Chromosomes 2.
Leur bras court, hétérochromatique, est marqué. Ce marquage a
disparu chez les autres espèces.
Chromosomes 3.
Ils possèdent une bande T sur le bras court. Vielle-ci correspond
en grande partie à la bande q21 des autres espèces, habituellement un peu
marquée par cette méthode.
Chromosomes 7.
Le bras court est presque entièrement marqué. Après l'inversion
péricentrique, permettant de reconstituer le 7 de Gorilla, seule reste en
place la partie terminale du p de 7, qui est encore marquée en bandes T.
Le reste de la bande T du bras court de Pongo se retrouve, chez
Gorilla, près du centromère, sur le bras long. Cette bande est encore assez
large, et bien marquée en bandes T. Pour reconstituer le 7 d'Homo ou de Pan,
il faut faire une inversion paracentrique qui divise cette bande, pour donner
les bandes q11.3 et q22.3. Ces bandes sont encore relativement bien marquées
en bandes T.
Chromosomes 8.
Il existe, chez Pongo seulement, un marquage juxta-centromérique
sur le bras long.
Chromosomes 11
La bande T, très étendue chez Pongo sur le bras court, peut
correspondre après fragmentation, à la bande T terminale du bras court, et à la bande T intercalaire, observée sur le bras long, chez les 3 autres
espèces.
Au total, la localisation des bandes T est encore beaucoup plus
strictement terminale chez Pongo que chez les 3 autres espèces.
Par exemple, à la bande T 11q13, dont la localisation intercalaire
fait exception chez Homo, Pan et Gorilla correspond une bande T terminale sur
le bras court des 11 de Pongo. Il apparaît donc comme probable que les 11 de
Pongo correspondent aux 11 ancestraux, qui, par insertion d'une partie de leur
bande T dans leur bras long, a donné le marquage inhabituel des 11 d'Homo, Pan
et Gorilla.
La même observation pourrait être faite à propos des chromosomes
7. Deux bandes intercalaires restent un peu marquées en bandes T chez Homo et
Pan et toutes deux se trouvent groupées avec la bande T du bras court des 7
chez Pongo. Une remarque analogue peut être faite pour les 3.
Cette observation, purement morphologique, apporte peut-être
quelques éclaircissements sur l'origine des marquages R et T.
On sait que les bandes R sont les points qui résistent au
traitement de la dénaturation thermique ménagée (Dutrillaux et Lejeune,
1971). Parmi ces bandes, certaines sont particulièrement résistantes: ce sont
les bandes T qui peuvent être mises en évidence par un traitement particulier
Dutrillaux, 1973). Enfin on a pu montrer qu'entre les bandes R et T existaient
de nombreux intermédiaires, certaines bandes R résistant plus que d'autres
(Dutrillaux et Covic, 1974).
On pourrait donc supposer que les bandes T sont synthétisées aux
extrémités de certaines chromatides, où elles acquièrent leurs propriétés
spéciales.
Si elles sont déplacées à l'intérieur d'une chromatide, elles
conservent, partiellement au moins, leurs propriétés de marquage, comme la
bande 11q13 d'Homo, Pan et Gorilla.
Cependant, ces propriétés se perdraient progressivement, très
lentement, de telle façon que ces structures pourraient ensuite correspondre à des bandes R de moins en moins résistantes aux traitements dénaturants.
Haut
g) Les bras courts des acrocentriques, les constrictions
secondaires et les bandes G11.
Ces régions chromosomiques particulières correspondent d'assez
près à celles qui ont été décrites chez Gorilla (Dutrillaux et
al.,1973).
Seules différences notables, le 2q porte un marquage G11. Cet
élément est ici acrocentrique et la localisation de ce marquage correspond à l'hétérochromatine du bras court. Le chromosome 7 porte une bande G11 sur son
bras court, alors que Gorilla en porte une sur son bras long, ce qui confirme
l'hypothèse d'une inversion péricentrique.
Haut
Conclusion
L'analyse du caryotype de Pongo pygmaeus (Orang-outang) et sa
comparaison avec celui des autres Pongidae et de l'Homme montre que toutes ces
espèces possèdent des structures chromosomiques très voisines : 99 % des
bandes leurs sont communes.
Comme en témoigne l'étude des chromosomes 2 et 7, il est possible de
proposer un modèle de l'évolution chromosomique (Dutrillaux, 1975), où
semble exister la séquence : ancêtre commun ? ancêtre de Pongo ?
ancêtre de Gorilla ? ancêtre de Pan ? ancêtre d'Homo.
Enfin, la variation de certaines structures, comme les bandes T,
toutes terminales chez Pongo, apporte des informations intéressantes sur
l'origine de ce marquage, et sur la nature de certains remaniements observés
en pathologie humaine.
Haut
Références
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Identification of human chromosomes by DNA-binding fluorescent agents.
Chromosoma (Berl.), 30, 215-227.
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les bandes T. Chromosoma (Berl.), 41, 395-402.
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humains. Monographie des Annales de Génétique. L'Expansion Scientifique
Française, éd., Paris.
DUTRILLAUX B., COVIC M. (1974). - Étude des facteurs influençant la
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heterochromatic segment of number 9 chromosome in man. Exp. Cell Res., 73,
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Nobel Symp. 1972. Chromosome identification, Technique and Application in
biologie and medicine. Nobel Foundation, Stockholm. Academic Press, New York
and London.
TURLEAU C., GROUCHY J. de, KLEIN M. (1972). - Phylogénie
chromosomique de l'Homme et des Primates hominiens (Pan troglodytes, Gorilla
gorilla et Pongo pygmaeus). Essai de reconstitution du caryotype de l'ancêtre
commun, Ann. Génét., 15, 225-240.
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