L'hypothèse selon laquelle le pore ionique des surfaces post
synaptiques serait constitué de peptides cycliques a déjà été proposée [1,
2].
L'effet des toxines obstruant le pore ionique (tétrodotoxine et
saxitoxine) a conduit à considérer que seul un hexapeptide cyclique satisfait
aux constatations ex-périmentales [3].
Les dimensions du pore ainsi défini (3 Å de large et 5 Å de haut)
correspondent en effet aux estimations de KEYNES [4]. De plus, la couronne de
carbonyles (d-) surplombant
la couronne d'azotes peptidiques (d+) fournit une possibilité de pompage des ions
positifs, par ouverture et fermeture de la couronne de carbonyles sous l'effet
des agonistes. Dès lors il faudrait que la surface définie par les résidus
d'acides aminés formant une collerette autour de la couronne de carbonyles,
soit spécifiquement apte à recevoir les agonistes et les
antagonistes-typiques.
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Analyse topologique
Pour tenir compte des données générales de la pharmacologie, on
propose les contraintes suivantes :
1) Les hexapeptides cycliques constituant un site donné sont
identiques entre eux. 2) Les collerettes jointives sont liées par des ponts
hydrogènes pour réaliser une surface continue. 3) La surface constituée par les collerettes jointives présente
une congruence géométrique et électronique avec les agonistes et
antagonistes spécifiques. 4) Les agonistes s'adaptent exactement aux surfaces et aux sites
anioniques et vibrent sur place pour ouvrir et fermer les pores ioniques
(pompage). 5) Les antagonistes s'adaptent exactement aux mêmes sites et s'y
fixent, soit en ouvrant les pores (dépolarisants) soit en fermant ceux-ci
(anti-dépolarisants).Haut
Choix des hexapeptides cycliques.
Outre leur convenance avec les dimensions du pore ionique déjà citée, seuls des hexapeptides cycliques permettent une tessellation simple du
plan par ancrage des collerettes deux à deux. La réalisation de ponts
hydrogènes impose des acides aminés polaires et la constitution d'une surface
favorise les acides aminés ayant une structure plane. La tyrosine, le
tryptophane et l'histidine répondent à ces conditions et une première
approche amène à étudier des cyclopeptides alternés du
type(TYR-TRP)3 et (TYR-HIS)3.
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I - Etude topologique des surfaces engendrées par des
cyclopeptides (TYR-TRP)3
On voit, figure 1, que la surface réalisée par ancrage de l'azote
indolique du tryptophane sur l'hydroxyle de la tyrosine présente, autour du
pore ionique central, trois zones constituées chacune de trois tyrosines
jouxtes se regardant par leurs hydroxyles, et de trois zones constituées de
trois tryptophanes jouxtes se regardant par la partie phényle du noyau
indolique.
L'ensemble est essentiellement hydrophobe, condition favorable pour
l'étalement sur une membrane lipidique.
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Adaptation de l'Acétyl-choline
En supposant que la portion N+(CH3)3 vienne au contact de
la couronne de carbonyles, elle devrait s'appuyer sur la partie phényle de la
tyrosine. L'oxygène 1 recevrait alors l'H de l'hydroxyle de la tyrosine et
l'oxygène 2, celui de l'azote indolique du tryptophane.
On note alors que trois molécules d'acétyl-choline peuvent
s'associer sur une zone tyrosinique et que le méthyle de la portion acétate
touche un des méthyles de la portion N+(CH3) de la molécule
jouxte. Cet assemblage ternaire maintenu par des forces faibles, permet une
coopération de trois molécules qui s'adaptent alors exactement à la zone
tyrosinique et forcent les carbonyles à se tenir en position dressée
(ouverture du pore ionique). Une vibration sur place induit alors un
redressement et un abaissement alternatif des carbonyles (pompage).
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Adaptation de la nicotine
Une molécule de nicotine ne peut s'adapter à la même zone
tyrosinique et trois molécules ne pourraient coopérer sur cette zone. En
revanche, l'adaptation est quasi parfaite lorsque le cycle pyridine se fixe sur
un résidu tyrosine (l'azote venant au contact de l'hydroxyle phénolique) et
que le cycle pyrrolidine s'appuie sur la portion phénolique du tryptophane
jouxte. Ainsi disposés sui la zone tryptophanique, trois molécules de
nicotine peuvent coopérer pour former une structure tout à fait comparable à celle observée pour trois acétyl-cholines sur la zone tyrosinique. On
remarque alors qu'ici aussi les trois azotes pyrrolidiniques (d+) obligent les couronnes de carbonyles
à prendre une position dressée(ouverture). De même une vibration sur place
peut réaliser un pompage ionique.
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Adaptation des antagonistes
Leptocurares :
Les "curares" allongés du type décamethonium requièrent (entre
les deux sites anioniques) une zone entièrement hydrophobe pour accommoder la
chaîne aliphatique intermédiaire. On voit sur le modèle qu'une zone de ce
genre existe allant d'une tyrosine à une autre, en passant par la zone phényle
d'un tryptophane. on remarque alors que la distance entre les 2 tyrosines,
ainsi définie, est très exactement celle qui sépare les deux portions onium
du decamethonium, toute chaîne plus courte ou plus longue donne une adaptation
moins précise. Il en résulte que le decamethonium (ou le suxamethonium)
peuvent à la fois se fixer et ouvrir les pores ioniques (curarisants
dépolarisants).
Pachycurares :
Il est difficile de décrire l'adaptation de la (-)-curarine sur
le modèle en raison de la complexité de la molécule. Toutefois on remarque
que les trois hydroxyles de la zone tyrosinique sont engagés dans les liaisons
H et que deux tyrosines jouxtes sont adaptées sur des noyaux phénoliques du
curare alors que les deux zones anioniques s'adaptent chacune à une couronne de
carbonyles, d'où une très forte fixation. De plus, l'une des couronnes de
carbonyles est gênée par l'un des noyaux phénoliques de curare et prend de
ce fait une position fermée. Il en résulte une occupation très forte de la
surface avec fermeture des pores (curarisant antidépolarisant).
Il sortirait du cadre de cette brève note de décrire
l'adaptation de toutes les molécules curarisantes. I1 suffit de [5] noter que
tous les composés étudiés par STENLAKE [5] s'adaptent sur la surface. Les
uns sur la zone tyrosinique (norcoralydine, tubocurarine, suxamethonium,
gallamine) ; d'autres sur la zone tryptophanique (malovetine, conessine,
pancuronium et alcuronium) et les derniers sur les deux zones à la fois
(atracurium besylate, laudexium ou AH 10 407 et AH 8615). Cette congruence, sur
une même surface, de molécules si diverses s'explique facilement lorsqu'on
remarque qu'elles contiennent toutes un ou plusieurs motifs dérivés des
noyaux tyrosine ou tryptophane, sans compter les fonctions onium et acétyl,
caractéristique de l'agoniste type. L'ensemble de ces considérations amène à proposer que la surface engendrée par des cyclopeptides (TYR-TRP)3
pourrait correspondre au site nicotinique.
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II - Analyse topologique de la surface engendrée par des
cyclopeptides (TYR-HIS)3
En conservant toutes les contraintes proposées, la surface ainsi
engendrée révèle une zone tyrosinique (trois tyrosines se regardant par leur
hydroxile) tout à fait comparable à celle du site (TYR-TRP)3 et une
zone histidinique (trois histidines se regardant par leur azote N2) tout à fait
différente de la zone tryptophanique du site (TYR-TRP)3.
Adaptation de l'acétyl-choline
Trois molécules d'acétyl-choline coopèrent comme précédemment
sur la zone tyrosinique, la seule différence étant que l'oxygène 2 de
l'acétyl-choline se fixe sur l'azote 1 de l'histidine au lieu de l'azote
indolique du tryptophane.
Adaptation de la muscarine
Trois molécules de muscarine coopèrent sur cette même zone
tyrosinique, réalisant une configuration strictement comparable à la
précédente : l'onium d'une muscarine s'appliquant sur la région phényle
d'une tyrosine et touchant un carbonyle de la couronne, l'O1
recevant un pont hydrogène de l'hydroxyle de la tyrosine et l'O2
recevant un pont de l'azote 1 de l'histidine. Ce dernier pontage est rendu
possible par la résonance du proton entre les deux azotes N1 et
N2, de l'histidine. Cette fi-xation de l'hydroxyle de la muscarine
serait par contre impossible sur l'azote indolique d'un tryptophane ; d'où la
spécificité du site dit muscarinique. On remarque d'ailleurs que l'oxydation
de l'hydroxyle en carbonyle abolit la spécificité : la muscarone possède une
forte activité nicotinique.
Adaptation de la pilocarpine
Comme pour la nicotine, on note que la pilocarpine ne peut se
fixer sur la zone tyrosinique. En revanche trois molécules de pilocarpine
peuvent coopérer sur la zone histidinique (mais ne pourraient le faire sur une
zone tryptophanique). L'oxygène carbonylique et l'oxygène lactone se fixent
respectivement sur l'hydroxyle de la tyrosine et l'azote N1 de
l'histidine tandis que le résidu éthyle s'applique sur la région phényle de
la tyrosine. L'azote methylé (d+) du noyau imidazole s'appuie sur un carbonyle de la couronne
alors que l'autre azote entre en liaison avec l'azote 2 d'une histidine.
Adaptation de l'oxotrémorine
En dépit de sa configuration inattendue l'oxotrémorine se fixe
sélectivement sur la zone tyrosinique. La partie oxopyr-rolidine se fixe sur
l'histidine et, par le carbonyle, sur l'hydroxyle d'une tyrosine. La portion
-C=C- s'applique sur, la région phényle d'une
tyrosine adjacente, l'azote pyrrolidinique vient au contact d'un carbonyle de
la couronne tandis que le reste de la pyrrolidine vient au contact de la
portion oxopyrrolidine d'une oxotremorine jouxte. Trois molécules
d'oxotremorine peuvent ainsi coopérer en réalisant une configuration presque
identique à celles de trois acétyl-cholines ou de trois muscarines.
Adaptation de l'atropine
L'onium (d+) du
noyau tropane se fixe sur la région phényle d'une tyrosine et vient au
contact d'un carbonyle de la couronne, tandis que l'oxygène 1 se fixe sur
l'hydroxyle corres-pondant ; l'oxygène 2 se fixe sur l'hydroxyle d'une
tyrosine opposée tandis que le noyau phényle s'applique sur la région
phenyle de cette même tyrosine. Enfin l'hydroxyle, O3, fait un pont
hydrogène avec l'azote N1 d'une histidine adjacente. Au total
l'adaptation est extrêmement exacte point par point d'où une fixation très
forte, chaque molécule d'atropine interdisant l'adaptation de trois molécules
d'acetyl-choline (effet antagoniste).
On remarque que l'atropine se fixe nettement moins bien sur la
zone tyrosinique d'un site (TYR-TRP)3 du fait de l'écartement un
peu plus important des tyrosines d'une part et de la difficulté d'ancrage de
l'hydroxyle sur l'azote indolique d'un tryptophane. L'ensemble de ces
considérations mène à proposer que la surface engendrée par des
cyclopeptides (TYR-HIS)3 pourrait correspondre au site
muscarinique.
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Conclusion
La simplicité des contraintes posées au départ, la con-gruence
observée entre les surfaces et les agonistes et antago-niste, et la
spécificité des actions nicotiniques et muscariniques, amène à penser que le
modèle topologique exposé dans cette note pourrait correspondre aux
activités pharmacologiques connues.
Il n'échappe pas que d'autres combinaisons de cyclopep-tides
méritent d'être analysées et qu'il serait probablement possible de déceler
d'intéressantes analogies entre certaines surfaces et d'autres propriétés
pharmacologiques. Des recherches en cours permettront de juger si
l'extrapolation heuristique du présent travail est digne d'intérêt.
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1) LEJEUNE J. Sur un modèle de recherche dans certains cas de
débilité mentale. C.R. Acad. Sci. (Paris) 274, 2068-2069 (1970)
2) LEJEUNE J. Essai d'analyse topologique du site cholinergique. C. R.
Acad. Sci. (Paris) 274, 3630-3631 (1972)
3) LEJEUNE J. Le pore ionique perméable au sodium, est-il un
hexapeptide cyclique. Ann. Genet. 22, 108-111 (1979)
4) KEYNES R.D. Ion channels in the nerve-cell membrane. Sci. Amer.
240, 98-107 (1979).
5) STENLAKE J.B. Neuromuscular blocking agents in : The basis of
medicinal chemistry. Burger's Medical Chemistry Part. III, 431-466.
WILEY-INTERSCIENCE 1981.
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