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Analyse d'un modèle poly-A/poly-T
La conformation en double hélice d'un ADN poly-A/poly-T présente
deux brins antiparallèles reliés par des ponts hydrogènes entre adénine et
thymine.
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Brin poly-A
Vu par le grand sillon et lu de 5' en 3', le brin poly-A est
comparable à la volée montante d'un es-calier en spirale dextrogyre dont les
marches se-raient constituées par la partie exposée de l'adénine. La
rembarde serait représentée par l'enchaînement désoxyribose-phosphate et le
pilier central serait réalisé par l'empilement des azotes amino-6 de
l'adénine (liés aux oxygènes oxy-4 de la thymine de la volée descendante,
antiparallèle).
Conformément à une remarque déjà ancienne (Lejeune, 1977), il est
possible de réaliser des ponts hydrogènes entre les azotes amino-6 de
l'adénine et les oxygènes des carbonyles d'une chaîne polypeptidique. Si une
chaîne L est orientée de 5' en 3' (l'NH2 terminal étant en 5') chaque
résidu d'acide aminé se projette vers l'adénine, alors que les azotes
peptidiques se projettent vers l'autre volée.
L'essai systématique des 20 acides aminés possi-bles révèle que
la lysine, indéfiniment répétée, per-met de couvrir exactement la volée
adénine, chaque e-NH2 entrant en liaison avec un phosphate de la
rambarde.
L'arginine pourrait elle aussi prendre la même configuration, alors
qu'aucun autre acide aminé ne permet une adaptation satisfaisante.
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Brin poly-T
De la même façon, une chaîne peptidique, orientée de 5' en 3',
peut fixer ses azotes peptidiques sur l'oxygène oxy-4 de fia thymine. Le
méthyle-5 de la thymine, qui fait saillie dans le grand sillon, permet bien
l'adaptation de la lysine mais pas celle de l'arginine. L'azote guanidique de
cet acide aminé viendrait en effet au contact du méthyle, ce qui serait très
défavorable.
Lorsque les deux poly-lysines ont ainsi couvert les deux volées
antiparallèles, les azotes peptidiques de la chaîne fixée sur la volée
adénine et les oxygènes carbonyliques de la chaîne fixée sur la volée
thymine sont en regard les uns des autres. Un pontage des deux chaises
peptidiques antiparallèles est alors possible ; à la manière d'une fermeture
éclair maintenant les deux moitiés d'une draperie recouvrant entièrement le
grand sillon.
Cette analyse sur modèle permet de penser que la poly-lysine
possède une " congruence " extrêmement élevée pour une séquence
poly-A/polly...
Alors que le seul polymère voisin, la poly-argi...
est nettement moins bien adaptée.
Il reste que le pontage des deux chaînes pep...
ques entre elles rompt la planéité des liaisons ca...
nyle/azote peptidique, mais ce déficit énergét...
paraît compensé par le fait que le complexe f1...
riche en AT/poly-lysine sature tous les points .
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grand sillon de l'ADN et du bord sterne de sa ...
barde.
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ADN poly-AT
Le même montage de deux chaînes polype...
ques antiparallèles, orientées de 5' en 3' est pos...
sur un ADN de type alterné, poly-AT. Un a...
peptidique sur deux est alors lié à un oxygène a...
de la thymine et un carbonyle sur deux à l'a...
amino-6 de l'adénine. Le pontage des deux chi...
peptidiques entre elles et l'ancrage des résidus ly...
sur les phosphates sont comparables au mon...
déjà étudié, bien que les contraintes soient plus...
tables.
La congruence de la poly-lysine et de l'ADN dépend donc seulement de
la richesse en AT et de la longueur du segment ne possédant que des bases AT,
quelle que soit leur séquence. Toutefois l'adaptation est d'autant plus aisée
que les séquences monotones sont plus longues.
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Adaptation de la poly-d-lysine
Les précédente montages ne portaient que sur des polypeptides de la
série L des acides aminés naturels. Un polypeptide de la série D ne peut
être adapté sur le pilier central en respectant l'orientation 5'-3' car les
résidus d'acides aminés se projetteraient alors sur l'autre volée, ce qui
excluerait toute possibilité de coopération.
En revanche, l'orientation de 3' en 5' (NH2 peptidique terminal en 3')
rétablit une topologie comparable à celle d'une chaîne L orientée de 5' en
3'. Dès lors, la coopération entre les deux chaînes est possible et le
recouvrement du grand sillon par les résidus lysine est aussi exact qu'avec
des L--polypeptides.
De la même façon, la coopération entre deux chaînes poly-D-lysine
reste possible sur un ADN poly--AT.
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Comparaison du modèle avec les données
expérimentales
En résumant les travaux de Leng et Felsenfeld (1966) et de Shapiro et
roll. (1969) revus et discutés par Von Hippel et McGee (1972), il est possible
de comparer les propriétés expérimentales du complexe ADN riche en
AT/poly-L-lysine avec les particularités du montage proposé.
1) Le complexe poly-L-lysine/ADN révèle une relation
stoïchiométrique 1;1 entre le nombre de résidus lysine et le nombre de
phosphates. Cette relation est respectée dans le modèle décrit, elle est
même la seule possible.
2) Le complexe stoïchiométrique précipite, cela correspondrait au
fait que toutes les liaisons ioniques disponibles de la protéine, d'une part,
et du grand sillon, de l'autre, sont engagées dans des ponts hydrogènes,
diminuant d'autant la solubilité.
3) La formation du complexe révèle une coopération entre molécules
de poly-lysine ; en cas d'excès d'ADN, les polypeptides se fixent en
recouvrant complètement certaines molécules d'ADN et en laissant nues celles
qui sont en trop. Cette coopération est la particularité du modèle : pontage
entre les chaînes antiparallèles.
4) Dans le complexe, le quart des hydrogènes de l'ADN engagés dans
les liaisons interbases passent crus une classe d'échanges rapides. Cette
particularité correspondrait â la fixation des carbonyles sur les azotes
6-amino de l'adénine. D'ailleurs Von Hippel et McGee (1972) tiraient argument
de ce fait pour proposer un étalement de la poly-lysine en feuillet ß sur le
grand sillon ; toutefois, cette disposition ne permet pas un remplissage
congruent, alors que deux chaînes antiparallèles le réalisent
exactement.
5) Ces dispositions entraîneraient une inclinaison des bases par
rapport à l'axe de la spirale (forme A) ; c'est ce que l'on observe sur le
modèle.
6) La poly-D-lysine donne avec le poly-AT des complexes en tous points
identiques à ceux produits par la poly-L-tysine. Cette efficacité de
l'isomère D s'explique par le fait que deux chaînes D antiparallèles,
orientées de 3' en 5', fournissent une conformation topologiquement identique
à celle des deux chaînes L orientées de 5' en 3'.
En revanche un copolymère mixte, DL, ne forme pas de complexe. Un tel
polymère D-L ne peut pas prendre la configuration voulue.
7) Le complexe forme une phase séparée réalisant de véritables
micelles. Les deux chaînes antiparallèles de poly-lysine recouvrent toute la
surface du grand sillon comme une draperie unique, fixée de chaque côté aux
rambardes de phosphate. De telles surfaces fournissent des possibilités
d'interactions hydrophobes capables de produire une sorte de séparation de
phase.
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Conclusion
L'adéquation stérique et ionique d'un modèle et la
non-contradiction avec les données expérimentales ne peuvent être tenues
pour des preuves. Il semble cependant que l'hypothèse de deux chaînes
peptidiques antiparallèles, unies entre elles par des ponts hydrogènes et
fixées sur le pilier central du grand sillon, soit applicable à de nombreux
types d'interaction spécifique ADN/protéines.
Une généralisation du modèle serait de considérer que les deux
chaînes antiparallèles appartiennent en fait à la même chaîne
polypeptidique, repliée sur elle-même en épingle à cheveux. Cette
conformation constituerait une sorte de " doigt " capable de " palper " le
grand sillon de l'ADN et de reconnaître ainsi une certaine séquence de base.
Un tel modèle n'est pas en désaccord avec de récentes observations
expérimentales (Harrison, 1986).
 Fig. 1. - ADN poly-A/poly-T vu par le grand
sillon. Fig, 1. - ADN poly-A/poly-T, seen by the major
groove
 Fig. 2. -
Coopération entre deux chaînes de poly-L-lysine antiparallèles, couvrant
tout le grand sillon. Fig. 2. - Cooperation between two antiparallel
chains of L-lysine, covering entirely the major groove.
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Références
1. HARRISON S. C. - Fingers and DNA half-turns. Nature, 1986, 322,
597-598.
2. LEJEUNE J. - Congruence de polymères monotones ADN/protéine. CR A
rad Sci Paris, 1977, 285, série D, 249-252.
3. LENG M., FELSENFELD G. - The preferential interactions of
poly-lysine and poly-arginine with specific base sequences in DNA. Proc NAS,
1966, 56,1327-1332.
4. SHAPIRO J.T., LENG M., FELSENFELD G. - Desoxyribonucleic acid
poly-lysine complexes. Structure and Nucteotide Specificity Bioche-mistry,
1969, 8, 3219-3232.
5. VON HIPPEL P. H., McGEE J.D. - DNA-protein interaction. Ann Rev
Biochem, 1972, 41, 231-300.
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