Plusieurs arguments plaident en faveur de l'existence d'une
predisposition génétique aux difficultés d'apprentissage du langage écrit
:1, les antécédents familiaux, qu'on trouve dans plus de la moitié des cas ;
2, la forte prépondérance masculine, de l'ordre de 70 à 80 % ; 3, la
concordance élevée chez les jumeaux homozygotes. A ces elements est venue
s'ajouter plus récemment (l'observation de troubles du développement du
langage dans différents syndromes comportant un chromosome sexuel
supplémentaire tels 47,XXX, 47,XXY, 47,XYY (1, 2) ou un X-fragile (3).
L'étude du caryotype chez des sujets ayant des troubles du langage
n'a pas été réalisée a notre connaissance, ce qui nous a incités a
pratiquer systématiquement l'examen génétique d'un échantillon
d'adolescents (9 garçons et une fille) parmi un groupe de 50 enfants atteints
de dyslexie-dysorthographie sévère [2 à 6 ans de retard lexique au test de
l'Alouette (4)], fréquentant à temps complet le Centre spécialisé pour
dyslexiques de Saint-Cloud.
Nous avons pris pour critère essentiel de selection le quotient
intellectuel (QI). Après avoir classé les dyslexiques selon leur QI global au
WISC, nous avons choisi les 5 enfants ayant le QI le plus élevé (103 a 110)
et les 5 au QI le plus faible (66 a 74). Il existe au moins un antécédent de
dyslexie familiale chez 4 des enfants. Deux des dyslexiques du groupe de QI
élevé ont une instabilité psychomotrice (deficit de l'attention et
hyperactivité motrice).
La morphologie des 10 enfants a été analysée systématiquement à la
recherche de signes particuliers et l'examen des dermatoglyphes a été
effectué selon la méthode habituelle (5).
Pour chaque enfant le caryotype a été pratiqué par culture de
lymphocytes. Deux cultures sont menées simultanément, l'une selon le
protocole ordinaire, l'autre recevant de la triméthoprime (6) a ralson de 2
gouttes par tube d'une solution de 5,7 mg de triméthoprime diluée dans 2 ml
d'éthanol. Après une incubation de 72 h, une dénaturation thermique
ménagée (7) permet d'obtenir un marquage en bandes R. Le caryotype de chaque
enfant est établi, et un comptage systématique de 100 cellules en milieu
ordinaire et de 100 cellules cultivées en présence de triméthoprime permet
de rechercher d'éventuelles fragilités chromosomiques dont le fra(X)q27. Dans
tous les cas, l'examen morphologique et l'analyse des dermatoglyphes n'ont pas
révélé d'anomalies systématisées. Aucune macro-orchidie n'est observée
chez les garçons. De même l'analyse chromosomique n'a mis en évidence ni
sites fragiles, ni remaniements décelables. Deux des garçons du groupe de QI
élevé avaient l'un un 13po, l'autre un 9qh+. Ce sont des marqueurs
relativement banals sans signification pathologique connue.
En conclusion, cette enquête ne révéle pas d'anomalies
cytogénétiques ou morphologiques particulières. Certes, le nombre de sujets
examinés est faible et mérite d'être étendu, mais avec les méthodes
actuelles, il paraît peu probable que l'on puisse déceler des anomalies
significatives chez les sujets dyslexiques.
Haut
Notes
1. PENNINGTON BF, SMITH SD. Genetic influences on learning disabilities
and speech and language disorders. Child Dev 1983; 54: 369-87.
2. BENDER BG, PUCK MH, SALBENBLATT JA at et al. Dyslexia in 47,XXY boys
identified at birth. Behav Genet 1986; 16 : 343-54.
3. GOLDFINE EP, McPHERSON PM, HARDESTY VA et al. Fragile-X chromosome
associated with primary learning disability. J. Am Acad Child Psychiatry 1987;
26 : 589-92.
4. LEFAVRAIS P. Test de l'Alouette. Paris : Centre de Psychologie
Appliquée, 1967.
5. LAFOURCADE J, RETHORÉ MO. Les dermatoglyphes. In Journées
Parisiennes de Pédiatrie. Paris : Editions Médicales Flammarion,1967 :
87-111.
6. LEJEUNE J, LEGRAND N, LAFOURCADE J et al. Fragility du chromosome X
et effets de la triméthoprime. Ann Genet 1982 ; 25 : 149-51.
7. DUTRILLAUX B, LEJEUNE J. Sur une nouvelle technique d'analyse du
caryotype humain. CR Acad Sci Paris 1971 ; 272: 2638.
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