Monsieur le Président, Il est un peu étrange pour un biologiste de
parler devant des législateurs et pourtant il se trouve que le droit et la vie
emploient le même langage. D'une société bien faite et qui protège tous ses
ressortissants nous disons qu'elle a une constitution équitable. D'un homme
bien portant capable de résister aux agressions, on dit qu'il a une bonne ou
une forte constitution et curieusement, les lois qui vont décider ces deux
constitutions, celle des sociétés ou celle de l'homme, sont votées par un
processus relativement démocratique. Je ne parlerais pas trop du processus
législatif, mais le processus biologique utilise aussi une sorte de vote
puisqu'un seul spermatozoïde parmi des millions est celui qui sera élu pourra
porter le génome masculin à l'être nouveau. Ce qui stupéfie le biologiste,
c'est que certains prétendent aujourd'hui changer le droit pour une nouvelle
constitution humaine qui leur donnerait tous les droits. Or le droit n'a pas
tous les droits. Il se trouve que la nature humaine existe et que nous le
voulions ou non nous sommes obligés d'en tenir compte. Monsieur Casini a
obtenu comme il l'a dit tout-à -l'heure d'importants succès au Parlement
européen. Il serait je crois capital pour l'Europe d'être la première
communauté humaine importante à définir complètement la protection de
l'être humain devant la technologie. Comme vous le savez le développement de
la technologie a été et sera foudroyant, ça nous en sommes sûrs, mais
l'homme, lui, sera-t-il foudroyé ? - ça nous ne le savons pas encore. Il
serait je crois dans la vraie lignée de l'Europe de donner à l'humanité une
sorte de guide général qui serait très court, qui pourrait tenir en une
seule page et qui dirait comment l'homme utilisera sagement sa puissance qui
augmente chaque jour.
La première proposition serait : Devant la loi tout être humain est
une personne. Ceci est une affirmation purement légaliste et je sais qu'il y a
des discussions très difficiles sur le mot personne. Je voudrais vous faire
remarquer en tant que biologiste qu'ily a une différence entre l'être humain
et la personne que l'être humain est plus spécialisé que la personne. Il
existe des personnes qui ne sont pas des êtres humains, les trois Personnes de
la Trinité ou pour être plus modeste, la personne morale d'une société
anonyme, mais seules les êtres humains sont toujours des personnes.Sans jouer
sur les mots, les Européens devraient faire cette définition devant la loi :
Tout être humain est une personne.
Il y a ici une grave décision. Le Parlement britannique a
malheureusement voté par erreur et la reine d'Angleterre, (j'en parle avec le
plus grand respect a malheureusement signé une loi qui dit que lors des
quatorze premiers jours de son existence l'embryon n'est pas un être humain
ceci permet pour l'instant aux petits suj ets de sa gracieuse Majesté
lorsqu'ils non pas encore dépassé deux semaines après le début de leur vie,
d'être des objets d'expérience, d'être considérés comme des animaux
d'expérience. Outre le caractère profondément inhumain de cette loi, elle a
une conséquence légale qui apparemment a échappé jusqu'ici au Parlement
britannique. Cette conséquence est redoutable. Si la loi anglaise dit vrai, si
l'embryon n'est pas un être humain dès la fécondation, mais seulement après
le quinzième jour, alors il s'ensuit que la reine d'Angleterre était un
animal pendant les quatorze premier jours de sa vie. Il s'en suit de même que
les députés de la Chambre des Communes (je ne parle pas des Lords qui se sont
transmis leur noblesse par l'intermédiaire d'une génération animale de
quatorze jours à chaque génération, ce qu'aucun généticien au monde ne peu
croire) mais cela amène aussi à considérer que les membres du parlement
britannique, chacun d'eux, est un ancien animal.Il est très difficile
d'imaginer qu' on puisse confier la destinée d'un pays aussi important que
l'Angleterre ou celle de toute l'Europe à d'anciens animaux ! Il s'ensuit que
la première qualité d'un biologiste et d'un légiste, c'est l'honnêteté
devant la nature. Nous sommes absolument sûrs qu'un embryon humain n'est pas
un animal et qu'il est un être humain dès sa conception, car s'il ne l'était
pas dès le premier instant ne le deviendrait jamais. Je ne voudrais pas vous
faire un cours de génétique. Laissez-moi simplement vous rappeler une
expérience que vous pourrez tous refaire facilement. Dans chaque pays, si cela
m'est possible, je visite deux endroits également instructifs : L'université
d'une part et le jardin zoologique de l'autre. Eh bien dans les universités,
j'ai toujours vu des gens très savants se réunir en congrès et hocher
doctement de la tête en se demandant si leurs enfants lorsqu'ils très jeune
ne sont pas des sortes d'animaux… mais je n'ai jamais vu au zoo de congrès
de chimpanzés se demandant si, une fois adultes leurs enfants ne deviendraient
pas des universitaires.
C'est une expérience d'une grande simplicité. Mais quand il s'agit
de définir la nature, il faut purement et simplement accepter l'évidence.
La seconde instruction que les Européens pourraient donner a
l'humanité, après avoir précisé que devant la loi tout être humain est une
personne, la seconde chose c'est qu'ils devraient dire : puisque l'on a aboli
l'esclavage, le corps humain est indisponible, c'est-à -dire que personne ne
peut être considéré comme un stock de pièces détachées dans lequel on
irait chercher des éléments pour échange standard.
La troisième chose serait de dire que l'embryon humain est lui aussi
indisponible. Pourquoi ?
Parce que l'embryon est l'être le plus fragile, quoi qu'il soit
extrêmement résistant. Puisqu'il est le début même de la vie, c'est celui
sur lequel des manipulations pourraient porter le plus facilement et il
faudrait simplement je crois définir que l'embryon humain est indisponible,
qu'il ne peut pas être exploité et que toute intervention qui porte sur un
embryon humain doit être dans l'intérêt de cet embryon-là et non pas dans
l'intérêt d'une autre personne. De la même façon que toute action
médicale, biologique ou technologique sur un adulte ne peut être faite que
dans l'intérêt de cet adulte, et non pas en exploitant cette personne dans
l'intérêt d'une autre personne. Il serait très important aussi de préciser,
sans rentrer dans tous les détails de la technologie de la procréatique
artificielle, de dire que, je me permets de lire cette phrase, "la poursuite de
son développement continue jusqu'à son terme dans l'organisme de sa mère,
doit être offerte à chaque embryon avant qu'un autre embryon soit conçu.
C'est ce que fait la nature : lorsqu'une femme a conçu un enfant, il y a
suspension de la fonction ovarienne, il peut y avoir éventuellement des
jumeaux conçus en même temps, mais il n'y aura plus d'autre conception. On
attend, la nature attend, que l'être humain soit arrivé à son terme (ou
peut-être éventuellement meurt trop tôt par une fausse-couche spontanée),
mais en tout cas un autre embryon n'est mise en route par la nature que quand
le premier a couru sa chance. Il s'agit d'une loi biologique absolument sans
exception chez les êtres supérieurs. IL serait sage de s'en souvenir, si cet
adage règlait les lois qui découleront ensuite, ils n'y aurait plus aucun
risque de congeler les embryons, de vendre les embryons, d'exploiter les
embryons, on respecterait une seule loi de la nature et, à ce moment-là , la
protection des embryons serait assurée.
Je voudrais ici, si je puis, en un instant vous rassurer sur un point;
Vous êtes peut-être effrayés par ce qu'on lit dans les journaux et que p.ex.
la manipulation des embryons nous permettra de faire une conception entre
femmes sans hommes, de prendre le noyaux d'un ovule chez une femme, de
l'insérer dans l'ovule d'une autre femme et de réinsérer le tout
dansl'utérus de l'une de ces deux personnes pour obtenir un enfant descendant
de deux lesbiennes. Ou encore, on nous a affirmé que l'on pourrait prendre un
ovule, enlever son noyau légitime et mettre à la place deux spermatozoïdes
venant de deux hommes différents. Le tout serait implanté ensuite dans un
utérus de louage pour obtenir un descendant qui n'aurait que deux pères. Ou
encore, on pourrait prendre une cellule du corps adulte, en retirer le noyau et
le mettre dans un ovule pour obtenir ce que l'on appelle un clone, une sorte de
jumeau avec un décalage de trente ou quarante ans qui serait identique à celui
qui a donné le noyau. Je tiens à vous dire que ces trois manipulations
n'auront pas lieu dans notre espèce. La nature y a pourvu. Nous savons depuis
deux ans qu'il faut absolument un homme et une femme pour engendrer un nouvel
enfant. Le message génétique est souligné, nous appelons ça la methylation
de la cytosine, dans les spermatozoïdes à certains passages qui sont tous les
mêmes pour tous les hommes. Le message génétique dans l'ovule est souligné
à d'autres endroits, toutes les femmes soulignent au même endroit, mais ce
n'est pas le même endroit que les hommes. Il en résulte que si l'on fabrique,
et cela a été fait chez l'animal, chez la souris, un composite à partir de
deux noyaux féminins, cela ne fabrique pas un être nouveau, c'est une tumeur,
cela fabrique des pièces détachées, cela s'appelle un tératome. On trouve à l'intérieur du poil, de la dent, de la peau, du tissu nerveux, mais aucune
mise en forme, aucun être nouveau, un sac de pièces détachées. Inversement
on a réussi à mettre dans un ovule, chez la souris toujours, deux génomes
masculins et cela ne donne pas un nouvel être ; cela donne ce qu'on appelle
une mole hydatiforme, des vésicules qui ressemble un peu à une grappe de
raisins. De la même façon nous savons aujourd'hui par l'expérience qu'il
n'est pas possible de fabriquer un clone, c'est-à -dire d'obtenir un être issu
d'un noyau du corps d'un sujet adulte. Ceci nous amène à la notion qu'il ne
sera possible d'engendrer entre femmes, il ne sera pas possible de fabriquer
contre nature un enfant qui n'aurait que deux pères et le milliardaire qui
prétendait transmettre en même temps son patrimoine génétique et ses
intérêts financiers par la manipulation clonale voit sa spéculation
complètement dévaluée ! Il faut l'union de deux personnes pour en engendrer
une troisième.Dans la première cellule on trouve côte à côte le message
souligné à la façon,masculine, et le message souligné à la façon féminine
et c'est le seul moment de notre vie où nous avons en même temps le message
masculin et le message féminin, seule la première cellule est véritablement
conçue homme et femme dès le début. Car au cours des divisions cellulaires,
une partie du message féminin s'efface, une partie du message masculin
s'efface au fur et à mesure de cette explosion de la forme qui se fait par la
spécialisation des cellules par celle qui savent faire un cerveau, des
muscles, de l'os ou du sang. Cette spécialisation ressemble énormément à ce
qu'on observe en médecine. Quand on devient spécialiste on apprend de plus en
plus de choses sur de moins en moins de choses et à la fin on sait presque tout
sur presque rien. Seule la première cellule savait presque tout sur presque
tout.
Juste un mot pour terminer. Pour lutter contre ces évidences, on
utilisera toujours devant vous et contre vous la logique de Juda. La logique de
Juda est très simple ; elle repose sur trois points. Ces trois points sont
également mauvais. Le premier, c'est la diversion. On vous dira : mais ne vous
intéressez pas à l'être humain qui commence, ou à celui qui va disparaître,
voyez plutôt toutes les difficultés qu'il fait peser sur la société ou sur
les parents, en temps, en argent, en dédication. Ne regardez pas le sujet,
regardez la famille,la société, l'économie.
Le deuxième point, c'est l'inversion, et on vous dira dans toutes ces
discussions : regardez tout le bien que l'on ferait avec tous les soins, tout
l'argent, toute la dédication que l'on va dépenser pour ce sujet, regardez
comment on ferait mieux les autoroutes et comment on pourrait mieux doter le
tiers-monde. C'est l'inversion : on dit qu'il vaudrait mieux ne rien faire pour
celui-là parce qu'éventuellement on ferait quelque chose de mieux pour
d'autres.
S'installe alors le troisième terme qui est la perversion qui
s'appliquera aussi bien à l'embryon qu'au vieillard : il n'y a qu'a supprimer
l'innocent. Un homme a déjà fait ce raisonnement, je vous ai dit son nom tout
à l'heure. Il a trouvé que ça coûtait trop cher de briser un vase de parfum,
il a montré tout le bien qu'on aurait pu faire avec cet argent et le résultat
fut la perversion absolue, la condamnation de l'innocent.
En tant que législateurs, Il vous faudra choisir entre deux façon de
voir les hommes : celle de Juda ; la diversion, l'inversion, la perversion.
L'autre c'est celle de l'Innocent Lui-Même qui vous a dit simplement : " Ce
que vous avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez
fait. "
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