Haut
M. le Président
Le dossier de la génétique est extrêmement
sensible dans l'esprit et la conscience populaire et la notion de
thérapie génique fait son chemin, même si elle ne touche
pour l'instant qu'au soma - un jour peut-être touchera-t-elle au germen,
cette différenciation pouvant évoluer -. Il existe des ponts avec
la notion de diagnostic prénatal, qui jusqu'à présent
était plutôt un diagnostic global, bien qu'aujourd'hui, nous
allions vers des marqueurs de plus en plus subtils et M, Jean-François
Mattei nous a expliqué qu'il existait dans certaines maladies des
marqueurs de plus en plus précis - je pense à des maladies comme
la chorée de Huntinghton.
Aussi convient-il de traiter des manipulations
génétiques, en sachant que le sujet peut s'ouvrir sur la PMA, sur
le diagnostic prénatal et sur d'autres problèmes que vous voudrez
nous faire percevoir.
Nous constatons que la notion de génétique
dépasse de plus en plus le plan microscopique en matière de
diagnostic et de thérapeutique. Vos points de vue sont très
importants pour la préparation d'une loi qui poserait des principes pour
les grands problèmes de bioélhique sur lesquels notre
société s'interroge.
Je remercie MM. les professeurs Lejeune et Jacquart, M. Galibert,
directeur-adjoint au CNRS et M. Barataud, président de l'association
française contre les myopathies, dont le travail très important
est un apport scientifique déterminant aujourd'hui.
Haut
M. Bernard Barataud
Je vous présente M. Peirano, directeur général de
l'opération Genethon. A ce titre, je l'ai invité à se
joindre à nous.
Haut
M. Jérôme Lejeune
Je commencerai par dire qu'il est intéressant de constater que
lu science juridique et la biologie parlent en fait le même langage :
lorsqu'un sujet se porte bien, on dit qu'il a une bonne constitution et d'un
pays qui protège chacun de ses concitoyens, on dit qu'il a une
constitution équitable. Les constitutions n'existent que lorsqu'elles
sont éclairées par des lois dont chaque terme est pesé,
mesuré, puis finalement voté. La biologie fonctionne ainsi.
L'élection, c'est celle des spermatozoïdes : un seul est
élu parmi des centaines de milliers de candidats. La constitution
humaine est un phénomène indépendant de nos opinions. Il
en résulte que les discussions actuelles sur la bioéthique
tournent autour d'une question très simple : avons-nous un droit de
regard sur la constitution humaine, autrement-dit, quelle est l'idée que
nous nous en faisons ? Est-ce une chose objective ou subjective ?
Nombreux sont ceux qui proposent de créer un nouveau droit, qui
leur donnerait tous les droits. Là se situe la question de la
bioéthique. Une hypothèse consiste à établir un
règlement qui finalement serait un " consensus mou ", qui deviendrait
une sorte d'éthique étatique. Des projets de loi ont pu
être établis par des corps constitués, des
représentants du peuple, les uns et les autres loin à fait
respectables, mais la question réelle reste de savoir si les hommes
vont, oui ou non, légiférer sur ce qu'est la constitution
humaine.
Cela dit, je vais vous exposer les trois contraintes de la
bioéthique.
La première, est l'obligation de bonne foi. Tout ce qui se dit
de scientifique est dit sous bénéfice d'inventaire. La
bioéthique n'échappe pas à cette catégorie.
L'observation de base est qu'il n'y a pas de matière vivante. La
matière ne peut pas vivre, ne peut pas se reproduire, ne peut
même pas être reproduite. Il n'y a que de la matière
animée. Ce qui anime la matière, c'est une sorte d'information,
que l'on a appelée selon l'époque, esprit, logos spermaticos, ou
autre chose. Toujours est-il que ce " quelque chose " anime la matière,
qu'il est l'objet de la génétique et qu'il pourrait
éventuellement être l'objet de manipulations.
Au commencement d'un être humain, il y a un message. Si ce
message est humain, cette vie est une vie humaine. Nous assistons
là à un phénomène ahurissant : nous voyons
progressivement, dans cette matière animée, prendre chair un
esprit. C'est cela le phénomène fondamental. Et c'est justement
parce qu'un esprit l'anime que celle petite quantité de matière
devient éminemment respectable, à tel point que l'on fait des lois
pour qu'elle soit respectée. Cela peut sembler de la pure
réthorique, pourtant c'est inscrit dans les livres de biologie et c'est
le fondement de la pensée humaine.
Ceci n'est pas un hasard si nous employons le même mot pour
définir une idée qui nous vient à l'esprit ou un
être qui vient à la vie : nous " concevons " une idée,
comme nous " concevons " un enfant. Le terme de conception est utilisé
dans les deux cas parce qu'au tout début de l'existence il est
nécessaire et véridique qu'il existe une association très
étroite entre la forme et ce qui ta supporte, c'est-à -dire la
matière, entre l'esprit et le corps. Nous ne pouvons pas séparer
ces deux concepts, tout au moins au début de la vie. Reste
à savoir s'il s'agit de la conception d'un homme ou de celle d'un
animal.
J'ai quelques scrupules à répéter des
évidences mais, si les députés qui sont
là aujourd'hui sont des confrères, ce rapport n'est pas
destiné aux personnes de cette salle mais à l'ensemble de
l'Assemblée nationale. Je dirai que, pour me convaincre que la nature
humaine existe bien, je visite fréquemment deux endroits :
l'université et le jardin zoologique. Dans les universités, j'ai
souvent rencontré des gens très sages se demandant si leurs
enfants, quand ils étaient très jeunes, n'étaient pas des
sortes d'animaux. Dans les jardins zoologiques, je n'ai jamais vu de
congrès de chimpanzés se poser la question de savoir si leurs
enfants, quand ils seraient grands, ne deviendraient pas des universitaires !
C'est une observation très simple, mais immanquable.
Lorsque l'on me dit : " La nature humaine est une opinion de certains
généticiens ", je réponds que c'est la nature qui a
imposé cette opinion, et non pas nous qui l'avons imposée
à la nature !
Ici la question est de savoir si ce qui permet à un être
humain de venir au monde est une mère ou un incubateur. La
réponse à l'évidence est la suivante : c'est un membre de
notre espèce qui porte un autre membre plus petit de la même
espèce. Nous verrons peut-être un jour des incubateurs
artificiels, mais pour l'instant je me sens très proche des Japonais,
qui ont baptisé l'utérus d'un mot admirable " shi kyu " " shi " :
palais ou temple, et " kyu " : enfant, ou caché. L'utérus est
pour eux, au sens purement anatomique du terme, le " palais de l'enfant ". Cela
nous montre que les Extrême-orientaux savent mieux décrire la
réalité que les latins, qui se contentent de donner au mot
utérus le sens de " petite bourse ", " petit récipient ".
Ma première conclusion, que le législateur devrait a mon
avis adopter, est la suivante : l'être humain est indisponible. Non pas
parce qu'il a telle ou telle caractéristique, en poids, en quotient
intellectuel ou en puissance musculaire, mais pour une seule et unique raison :
il est un membre de notre espèce. Si l'être humain n'est. pas
respectable parce qu'il est un être humain, il n'y a plus de
définition de l'homme, mais seulement des cas particuliers. Et si chaque
être est un cas particulier, il n'y a pas de loi qui puisse s'appliquer
à tous.
La deuxième contrainte de la bioéthique est la
nécessité de réussir, parce que la bioéthique est
appliquée à la médecine et que pour paraphraser une phrase
célèbre : " La seule sottise absolue en médecine, c'est la
désespérance ". C'est l'attitude qui consiste à nier que le
plus petit espoir est intéressant et débauche sur du possible. Je
vous vous donner quelques exemples de cette désespérance
moderne.
Tout d'abord, l'exploitation de l'embryon est un crime de
lèse-personne. C'est un argument que l'on entend beaucoup ici, presque
un leitmotiv. Et pourtant, la loi britannique considère que
l'être humain n'est respectable qu'au quatorzième jour, et donc
qu'avant le quatorzième jour il n'y a pas d'être humain ! Ce qui
est extraordinaire, c'est que cette loi a été votée par
les Lords - qui ne tirent leur état que de leur origine
génétique, donc de gènes qu'ils ont reçus bien
avant leur quatorzième jour d'existence ! - et qu'elle a
été contresignée par la Reine d'Angleterre. On ne me fera
jamais croire que sa Gracieuse Majesté britannique était un
animal, du jour de sa conception au quatorzième jour ! Peut-être
les Britanniques le croient-ils, maintenant que c'est inscrit dans leur loi et
voté, mais en tant que généticien je ne le croirai jamais.
Je trouve cela très irrespectueux vis-à -vis de cette femme pour
laquelle nous devons faire preuve de la plus élémentaire
courtoisie ...
Mais pourquoi dit-on que l'exploitation de l'embryon est un crime de
lèse-personne ? Pour une raison de désespérance. Parce
qu'il nous est difficile de se représenter que l'être humain
puisse être - comme le diraient des mathématiciens - "
réduit à sa plus simple expression ", au moment où toute la
formule est là , mais n'est pas encore développée. Pour
cette raison, par désespoir, parce que l'on ne comprend rien
à tout cela, on fixe un certain seuil : certains le situent
à quatorze jours, pour la crête neurale, les autres
à vingt-huit jours pour les battements cardiaques, etc ...
Un autre exemple de désespérance est l'idée que
le diagnostic précoce légitime l'exclusion, parce que c'est
très tôt et que justement l'on désespère de
comprendre où commence la nature humaine. Plus c'est précoce,
plus l'exclusion devient légitime, au sens légaliste du terme -
je ne parle pas pour l'instant du sens moral -. J'entends dire : " Les maladies
génétiques coûtent cher ! Si l'on excluait très
tôt ces sujets, on ferait des économies énormes ! Il faut
reconnaître que les maladies coûtent cher, en souffrances
individuelles comme en charge pour la société. Et je ne parle pas
des souffrances des parents ! Mais ce prix. nous pouvons l'évaluer :
c'est exactement celui qu'une société doit payer pour rester
pleinement humaine.
J'éviterai de prendre un exemple dans le présent ou dans
le passé proche, comme l'élimination massive qui s'est produite
il y a une cinquantaine d'années. Pour ne pas passionner le débat
je remonterai beaucoup plus loin et je citerai les Spartiates, qui furent les
seuls a éliminer à la naissance les enfants qu'ils jugeaient
devoir être incapables de porter les armes ou d'engendrer de futurs
soldats. Sparte fut la seule cité grecque à pratiquer un tel
eugénisme, un diagnostic d'exclusion aussi systématique. Or de
Sparte il ne reste rien. Elle ne nous a laissé ni un poète, ni un
musicien, ni un écrivain, pas même une ruine dans la plaine de
Lacédémone ! Sparte est la seule cité grecque qui n'a rien
apporté à l'humanité ! Est-ce fortuit ou directement
lié ? Les généticiens se posent la question double :
sont-ils devenus stupides parce qu'en tuant leurs petits qui n'étaient
pas beaux ils ont tué leurs futurs penseurs, leurs futurs artistes ? Ou
bien étaient-ils déjà stupides, comme l'indique le fait de
tuer leurs enfants ? On se demande si les deux explications n'ont pas chacune
leur part de vérité ...
La troisième remarque est la suivante : j'entends dire " Mais
tout est possible, puisque c'est nous qui allons décréter la
constitution humaine, et par conséquent, toutes les manipulations sont
possibles ". Je pense à la dame qui se présente vierge, en mal de
conception ; aux prétentions d'engendrer entre femmes ou de " fabriquer
" une procréation entre sujets du sexe mâle, etc. Je dirai qu'il
est important aujourd'hui de rejeter toute cette désespérance,
qui nous fait craindre des abus, craindre d'en arriver à ce que tout
soit possible, les lois n'étant faites que par nous ... Mais,
heureusement, elles sont faites par la nature.
L'empreinte génétique, que nous connaissons bien
maintenant, exclut absolument la possibilité d'engendrer à partir
de sujets du même sexe. Il faut la marque féminine et masculine
pour engendrer un nouvel être. Il est exclu d'imaginer que la
manipulation des ovules nous permette d'extraire le noyau d'un ovule pour
féconder un autre ovule, ou encore de prendre deux spermatozoïdes
pour les mettre de force dans un oeuf dont on aurait expulsé le noyau
légitime, pour implanter le tout dans une matrice incubatrice.
De même, il est exclu d'implanter le noyau d'une cellule
ordinaire d'un adulte dans un ovule dont le noyau légitime aurait
été expulsé.
Les lois de la nature existent, il faut un père et une
mère pour concevoir un être humain. Si nous prenions deux
génomes féminins, nous obtiendrions un tératome, une
tumeur de l'ovaire, qui donnerait des pièces détachées, de
la peau, du poil, de la dent, mais pas un être humain. Si l'on prenait
deux spermatozoïdes, on obtiendrait des vésicules ... Finalement,
la nature nous enseigne que dans la sphère d'un millimètre et
demi de diamètre qu'est l'oeuf fécondé, est
déjà inscrite, par méthylation de l'ADN, à la
manière masculine et féminine, une division du travail qui nous
est si familière : à l'homme la construction de l'abri et la
quête de la nourriture, c'est-à -dire le placenta et les
villosités, et à la femme l'élaboration de l'enfant.
Ces découvertes, qui datent de trois ou quatre ans, ont
été comme une bouffée d'air frais dans le délire
qui s'emparait progressivement des théoriciens de la manipulation
biologique. Elles nous ont révélé qu'en effet il existe
des lois de la nature. Notre devoir est d'expliquer au législateur qu'il
ne fait pas lui-même les lois de la nature. C'est la nature qui nous a
faits, et non pas le contraire ...
La troisième contrainte, est le devoir de solidarité.
Nous devons mettre la technique au service de nos contemporains et nous ne
devons pas utiliser la dialectique de Judas, qui est très commune en ce
moment. Elle est fondée sur trois caractéristiques : la
diversion, l'inversion et la perversion.
La diversion : " Ne vous occupez pas de celui qui va
disparaître, mais regardez ce qu'il coûte à ses parents,
à la société et à lui-même ! "
L'inversion : " Avec tout l'argent qu'on dépense pour lui,
regardez tout, le bien que l'on pourrait faire aux autres ! ".
La perversion : " c'est l'innocent qu'il faut supprimer ".
Cette logique en trois points pervertit dans les discussions sur la.
bioéthique. Celte sélection, cette mise à mort des
incurables, ou de ceux accusés de l'être, est
véritablement le contraire de la médecine. Elle est
à proprement parler l'avortement de la médecine. Bien sûr,
on me dit que cela amènera des résultats, que la manipulation
d'embryons permettra d'avancer dans la connaissance embryologique. Dans un
sens, c'est vrai, mais je ne connais quant à moi aucun protocole
expérimental spécifiant qu'un type de recherche ne peut
être poursuivi aussi bien sur des chimpanzés.
Mais vous vous heurtez là à un phénomène que
la population ne connaît pas et que vous, députés, devez
lui enseigner. C'est qu'un embryon de chimpanzé coûte cher, alors
qu'un foetus d'homme ne coûte plus rien ! Ce fait brutal mérite
d'être compris. Depuis que des nations qui ont été
longtemps civilisées ont rejeté par un vote ce que tous les
maîtres de la médecine avaient constamment juré : " Je ne
tuerai pas d'enfant dans le sein de sa mère ... ". Depuis ce moment
là , la vie d'un petit d'homme ne vaut plus rien mais celle d'un
chimpanzé vaut toujours très cher ... parce qu'il faut entretenir
l'élevage !
La seconde possibilité qu'on met en avant tient à la
récupération des déchets. Par exemple : on
récupérera une partie du système nerveux foetal qui
servira à guérir la maladie de Parkinson.
Je me permets de vous conseiller clé lire le dernier article de
Clough dans l '" Ancet " qui rassemble toutes les données sur ces
greffes de cerveau. Il montre qu'il n'y a aucun succès véridique
et que la prospective est relativement très triste. On peut vraiment
s'étonner de voir qu'on peut proposer, à notre époque,
d'aller rechercher le foetus d'un, deux à quatre mois et de
préférer d'ailleurs ce dernier, le plus âgé , pour
avoir une dissection plus précise et plus facile.
Je ne romance pas. Lisez l'article de celui qui décrit
exactement cette technologie absolument effrayante - disséquer le
cerveau d'un foetus, bien entendu en bon état, " coeur battant " -. Le
nom de ce technicien ? Hitchcock ... Cela ne s'invente pas, mais c'est inscrit
dans la littérature !
Pour en terminer, je dirai que l'embryon est indisponible et c'est
bien cela que je voudrais voir inscrit dans la loi.
Il est indisponible pour une seule raison : parce qu'il est un
être humain.
Reste une chose : le génome.
On va, bien sûr, le déchiffrer ci cela coûtera
extrêmement cher. L'opération est très
intéressante, mais il n'est pas évident que nous ayons le droit
de breveter le génome humain, de le manipuler. Il n'est pas la
propriété de notre génération et nous n'en sommes
que les dépositaires.
Je pense qu'une législation simple consisterait
à décréter que le génome est indisponible.
Nous pouvons et nous devons déchiffrer cet immense message car
nous apprendrons beaucoup de choses sur les mécanismes des maladies et
des traitements car la nature traite spontanément certaines maladies
sans que nous sachions comment ! Cette analyse de l'information
génétique nous apprendra ce que sait faire la nature et que nous
ne savons pas encore.
Je ne suis cependant pas du tout certain qu'il faille
légiférer en ces domaines pour dire qu'on va permettre, par
exemple, les greffes de cerveau de foetus ! J'observe d'ailleurs qu'on a
parlé dans les journaux d'embryons : c'est massacrer le français
car à deux ou à quatre mois. personne ne parle d'embryon, mais de
foetus, ou d'enfant.
Je ne pense pas qu'il faille légiférer parce qu'il est
vraisemblable - et je résume - que ce n'est pas par la manipulation
génique que nous serons véritablement utiles dans les quelques
années qui viennent.
Pour le diabète, il y a eu une mise au point extraordinaire de
Sullivan, consistant à fabriquer un tout petit îlot de Langerhans
implantable. Il s'agit d'utiliser des membranes semi-perméables
permettant de mettre à l'intérieur du sujet des cellules de boeuf
qui fabriquent des îlots de Langerhans, nourries par osmose au travers
de la membrane et qui à travers cette dernière fabrique
suffisamment d'insuline. Toute l'astuce est de trouver des membranes
suffisantes pour permettre la diffusion du produit que l'on veut utiliser et
pour interdire la diffusion des anticorps qui, eux, sont beaucoup plus gros et
entraîneraient immédiatement le rejet.
Il semble que cela ait réussi, tout au moins chez le chien et
je pense que c'est une découverte qui lui vaudra le prix Nobel dans pas
tellement longtemps.
La deuxième mise au point que je veux signaler est celle d'un
Français, M. Perricaudet, et d'un américain, M. Rosenfeld. Il a
réussi à manipuler un adéno-virus - le virus de la grippe
- après l'avoir inhibé pour qu'il ne soit pas dangereux. Il
envoie par aérosol le virus, ou plutôt colonise
l'épithélium bronchique. Il est capable d'y transférer le
gène de l'alpha 1 antitrypsine et donc fournit ce qui manque aux enfants
qui meurent de mucoviscidose.
Cette découverte tout à fait nouvelle, qui ne s'applique
pour l'instant qu'à l'animal, mais qui sera applicable à l'homme
vraisemblablement dans très peu de temps, permet la thérapeutique
génique, sans passer par la manipulation des gènes humains. C'est
de la biologie de grande pointe !
Dès lors, comment admettre que l'on va d'abord devoir lire
toute la formule de l'homme et que c'est seulement lorsqu'on aura toute la
formule - que seul un ordinateur pourra lire car cela représentera six
fois l'encyclopédie britannique ..." - on commencera
à connaître quelque chose ? Non ! On peut faire quelque chose
avant !
Je voudrais vous citer une dernière découverte qui, elle
aussi, vaudra sans doute un prix Nobel à ses auteurs : les anticorps
catalytiques.
Il s'agit d'une découverte faite par Tramontane, un jeune
italien, et par Lerner, un " senior " américain. Ils ont
découvert qu'on pouvait faire des anticorps ayant une activité
d'enzyme. Autrement dit, il est possible de fabriquer un anticorps
à effet enzymatique à volonté, simplement en construisant
une molécule fausse simulant la configuration du substrat quant il est "
activé ". Ceux qui sont biologistes comprennent ce que je veux dire,
même si c'est compliqué pour les autres.
C'est une découverte extraordinaire. Tramontane et ses
collègues fabriquent déjà des anticorps catalytiques de dix
puissance moins huit, dix puissance moins dix, c'est-à -dire plus actifs
que de véritables enzymes. Cela signifie qu'au lieu d'attendre d'avoir
déchiffré le gène, d'avoir isolé l'enzyme, de
l'avoir mis sous une forme disponible, on va commencer dans quelque temps
à faire des enzymes par anticorps catalytiques et à fabriquer des
remèdes pour débloquer des situations génétiques
pour l'instant inextricables sans avoir à manipuler notre
génome.
Le témoignage que je puis vous apporter en tant que
spécialiste est le suivant. Vous n'êtes pas tenu, vous,
législateur, de changer le bon sens parce que la technique
évolue. La technique au nom de laquelle on vous demande de changer le
bon sens est une technique qui se démode très vite. La technique
qui, elle. restera, ne nécessite probablement pas du tout de
modifications du sens que nous avons de la constitution humaine et du respect
de l'être humain.
Je me résume, L'être humain est indisponible, L'embryon
est indisponible. Le génome est indisponible.
C'est la définition d'une société
civilisée.
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